Cantines solidaires : le partage au cœur des repas
La notion de cantine renvoie inévitablement à des souvenirs pas toujours heureux de réfectoires scolaires et de restaurants d’entreprise. Cependant, le concept de repas pris en commensalité, à moindre coût, trouve un nouveau souffle grâce à quelques lieux et initiatives locales qui émergent par-ci par-là. Les deux mots d’ordre : partage et solidarité !
La cantine pour créer du lien social
Projet né en 2015 à Lyon, les Petites Cantines proposent aux habitants d’un quartier de se retrouver autour d’un repas à bas coût. Contrairement au restaurant – où l’espace public est compartimenté en plusieurs espaces privés -, la nourriture n’est ici qu’un prétexte pour réunir autour de grandes tables collectives des publics hétéroclites…
L’objectif : contrer le sentiment d’isolement social éprouvé par certaines personnes, que peut induire la vie en agglomération. La méthode : faire se croiser, au quotidien, des habitants voisins pour apprendre à se connaître autour d’un repas préparé par l’un d’entre eux. La nourriture reprend alors un rôle de lien social. Chacune et chacun peut participer, que cela soit par la mise en place du couvert, la plonge ou, évidemment, la cuisine (locale et au maximum bio).
Chefs d’orchestre de ces rendez-vous, les “maîtres de maison” s’assurent de la mixité sociale et culturelle de l’espace, afin que les personnes issues d’un groupe donné se mélangent et rencontrent d’autres commensaux. Les interactions entre voisins sont ainsi maximisées, dynamisant la vie du quartier.
Démarré dans le quartier de Vaise à Lyon, le projet a vu récemment s’ouvrir sa deuxième entité, à Perrache (Lyon toujours). D’autres petits sont prévus dans la capitale des Gaules, mais également à Lille et Dijon très prochainement !
Un restaurant collaboratif au coeur du quartier
A Kiev, restauration solidaire et redynamisation locale animent en ce moment Urban Space 500. Le projet est une initiative de l’ONG Insha Osvita et du programme Teple Misto. Successeur spirituel d’Urban Space 100 (mis en place dans la ville plus modeste d’Ivano-Frankivsk), Urban Space 500 cible quant à lui un certain périmètre de la capitale ukrainienne.
Au cœur du projet, figure un restaurant à bas coûts, dont 80% des bénéfices doivent ensuite être réinvestis dans des projets sociaux similaires. Par ce biais, Urban Space 500 souhaite ainsi développer et redynamiser le quartier d’implantation du restaurant. Autour de ce lieu, on trouve également des espaces événementiels où des artistes locaux ont la possibilité d’exposer leurs œuvres ou jouer de la musique. Une radio diffusant des informations sur les initiatives et musiciens locaux devrait également s’y implanter. L’ouverture officielle de l’espace est prévue pour le courant 2018.
L’autre originalité d’Urban Space 500 tient à son financement initial : 500 participants sont appelés à investir 1000$ chacun. Cet investissement leur donne droit à une voix lorsqu’il s’agira de déterminer les projets de développement tiers à venir. En outre, chaque nouvel investisseur doit avoir été coopté par, au minimum, 5 investisseurs actuels pour pouvoir intégrer le projet. Car l’animation de l’espace doit émaner du groupe, en concertation !
Réfectoire étoilé pour les plus démunis
Autre avatar de la cantine, la soupe populaire pâtit toujours d’une image négative : elle est synonyme de files dans le froid et d’indigence. Pour redonner une dignité aux plus nécessiteux, le chef italien Massimo Bottura a lancé le concept de refettori en 2015. Initialement conçu comme une animation en parallèle de l’Exposition Universelle de Milan (dont le thème était “Nourrir la planète”), le refettori de Bottura exploite au maximum le produit, afin de réduire (voire d’éliminer complètement) le gaspillage. Résultat : ce qui ne devait être qu’un concept temporaire existe désormais dans 6 villes, puisqu’après Milan, Modène, Bologne, Rio de Janeiro et Londres, un refettorio vient d’ouvrir ses portes à Paris, et a donné naissance à la plateforme Food for Soul.
Chaque jour, 100 convives seront reçus dans les conditions d’un restaurant classique et pourront déguster la cuisine de jeunes chefs, parfois sous la direction de pontes de la gastronomie française (pêle-mêle : Alain Ducasse, Yannick Alléno, Olivier Rollinger, Michel Bras…) Plus que fournir un repas chaud, l’initiative de Bottura est davantage d’ordre culturel que social, d’après les dires du chef. Surtout, dans un pays qui a rendu illégal le gaspillage alimentaire des grandes surfaces, cette initiative tombe à point nommé !
Les initiatives de ces différentes cantines populaires rentrent dans le cadre de concepts alimentaires que nous avons déjà abordé par le passé dans ces colonnes, qu’il s’agisse de la chasse au gaspillage ou de la recherche d’une alimentation durable en milieu urbain. A une époque où la tendance l’emporte sur la responsabilité dans la restauration, la résurgence (et surtout la médiatisation) d’une restauration de proximité plus raisonnable est tout à fait salutaire.
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Un restaurant ouvert du lundi au vendredi existe à Roubaix depuis près de 25 ans. L’Univers-La Cantine du Cœur propose à ses adhérents (c’est une association loi 1901) un petit-déjeuner de 10 à 11 heures puis un déjeuner de 12h15 à 13h30 (pour l’entrée du déjeuner mais on peut y déjeuner jusque 14 heures) suivi d’un café. Les adhérents peuvent ensuite y discuter, jouer (belote, triominos, dames chinoises, etc.), participer à des ateliers thématiques (santé, bien-être, informations sur les droits, et bien d’autres). Le public se constitue de SDF, d’allocataires du RSA, d’allocataires de l’ASS (Unedic), de chômeurs, d’handicapés adultes, de retraités à faible revenu, d’ex-taulards, mais aussi de salariés précaires, de salariés travailleurs pauvres et de tous ceux que la mixité sociale n’effraie pas. Depuis peu, ce lieu facteur de resocialisation et de convivialité est pourtant menacé de disparition du fait de l’activisme d’élus qui voudraient changer l’image de Roubaix en délocalisant les roubaisiens pauvres au profit d’une population plus « soft » ou « bobo »… L’équipe bénévole en charge de ce lieu d’exception se démène pour trouver les financements qui permettraient de passer outre le chantage aux subventions auquel se livre le maire qui va jusqu’à refuser de recevoir le président et la directrice du restaurant alors même que des années durant, les élus roubaisiens n’ont cessé de vanter les mérites de l’association au titre du Mieux Vivre Ensemble, de d’aide alimentaire (1ère étape vers la santé individuelle) de la lutte contre l’isolement, de la détection de l’illettrisme, j’en passe et des meilleures. Votre site peut-il nous aider? Merci d’avance