Autonomie(s)
Les enfants en rêvent, elle peut faire peur… mais nous y aspirons tous à un moment donné, en particulier en période de pénurie ou de tension sur des approvisionnements. Domaine de l’utopie, l’autonomie est un enjeu qui mérite d’être exploré… L’École de design Nantes Atlantique, en partenariat étroit avec les équipes d’EDF design Lab, a exploré la thématique au travers d’un exercice de design prospectif présenté dans une exposition de la France Design Week.
Dans le monde de demain, sommes-nous tous voués à être producteurs ? Comment valoriser les ressources locales ? Autant de questions simples, aux ramifications multiples, que les étudiants ont exposées au travers de scénarios de design « fiction » destinés à questionner plutôt que d’amener des réponses toutes faites. Des zones productives
En 2035, les conséquences des crises écologiques et systémiques bouleversent nos modes de consommation et favorisent l’essor des initiatives locales, notamment en termes d’alimentation. L’émergence généralisée de circuits courts, pour réduire l’empreinte carbone et permettre une meilleure résilience face aux tensions du système productif, a pour conséquence une profonde mutation des structures urbaines en zones productives.
La logique de découpage en zones d’habitations, de production, de commerces et d’agriculture trouve ses limites en termes de soutenabilité et de rythme de vie. La ville cherche alors à faire évoluer les quartiers périphériques dortoirs. Leurs citoyens, jusque-là dépendants des zones productrices et commerciales, font émerger leur volonté de gagner en autonomie et de consommer plus local et responsable.
Chaque mètre carré de surface devient alors producteur : dans le projet Carapatte imaginé par Amélie Anzeraey, Constance Hoffmann, Clio Redt, Léna Vincent, des bardages assurent la production de protéines à base d’insectes… ce qui n’est pas au passage sans poser question sur la cohabitation des espèces.
La transformation des zones pavillonnaires en espaces productifs exige une connaissance fine des potentiels agricoles, énergétiques ainsi que la synchronisation des initiatives au bénéfice de tous. Dans le projet Crocatou, Marion Charnal, Alice Guillou, Clémence Roux, Léa Termeau, suggèrent que les espaces stériles comme le gazon se transforment en devenant producteurs de ressources (stockage d’eau, récupération d’énergie, production de fruits et légumes…)
Vers une mise en réseau : paradoxes technologiques
Limitées à un quartier (comme c’est souvent le cas aujourd’hui), les initiatives souffrent cependant d’un manque de coordination et n’ont à ce jour pas d’impact significatif sur la vie de la cité. Leur mise en réseau s’avère alors indispensable pour assurer une forme de résilience. Pour Myriam Burgaud, Léo Mouroux, Loïc Renaud, Benoit Sauzeau, Neoned, un système d’échanges généralisé, permet de garantir les échanges entre inter ou intra quartiers pour subvenir aux besoins élémentaires de chacun.
Neoned est un système blockchain (technologie qui permet de garder la trace d’un ensemble de transactions, de manière décentralisée, sécurisée et transparente, sous forme d’une chaîne de blocs) pour aider à garantir la mise en réseau, les échanges et la transparence (traçabilité des produits, transactions) nécessaire à l’échelle de la ville. De plus, l’analyse des données de la qualité du sol, d’ensoleillement, aide à déterminer les ressources à exploiter en fonction des caractéristiques du terrain et de la demande du quartier. Une plateforme sécurisée garantit la pérennité de l’autonomie du quartier en assurant la bonne gestion des ressources et leur partage. Elle favorise ainsi la mise en dynamique.
Les projets posent donc plusieurs questions paradoxales… et si la technologie pouvait être le socle de systèmes autonomes et résilients ? Quels déséquilibres et disparités entre quartiers, en fonction de l’abondance des ressources ? Quels impacts sur la consommation énergétique et donc la production décentralisée en ville ?
L’autonomie n’est pas toujours ce que l’on croit : derrière ce concept se cachent plusieurs paradoxes et tensions… L’aspiration à l’autonomie et nécessité de travailler sur une technologie favorisant l’émergence de systèmes productifs s’avère dès lors une piste intéressante à étudier.