Après-covid : l’exode urbain n’existe pas
Deux enquêtes démographiques viennent de paraître sur le phénomène d’exode urbain. Elles démontent les mythes sur le désamour des métropoles après la pandémie et laissent entrevoir les tendances pour les années à venir. Et on dirait bien que le périurbain est plébiscité…
Horizon résidentiel
Dans le sillage de l’année 2020 et du Covid, l”exode urbain” était dans toutes les bouches et laissait croire à un nouvel équilibre territorial entre villes et campagnes. En 2035, il n’en est rien. Les campagnes se vident toujours et les métropoles s’étalent. Pour certains élus locaux qui ont cru bon d’investir massivement pour accueillir les néo-ruraux, c’est la déconvenue. Dans les plus petits villages, les opérations de marketing territorial et les constructions de coworking hyper-connectés n’ont pas eu l’effet d’appel d’air escompté sur les urbains. Finalement, dans le monde de l’urbanisme et des territoires, le monde d’après a des petits airs du monde d’avant.
Fuite de l’hypercentre
Il est vrai que la pandémie de Covid et le confinement ont produit un discours médiatique assez majoritaire, celui qu’à la faveur du télétravail, la géographie française allait changer de visage. Il était attendu des urbains qu’ils fuient les villes pour s’installer à la campagne pour profiter d’un cadre de vie meilleur. Si l’étude de mars 2023 de l’Insee sur les déménagements post-crise observe que les grandes aires urbaines ont continué à perdre des habitants, rien de frappant pour autant. La tendance s’accélère légèrement mais poursuit le mouvement en cours depuis les années 1970, qu’on appelle également « renaissance rurale ». L’Insee relativise donc l’expression d’exode urbain.
Debunk médiatique
La Plate-forme d’observation des projets et stratégies urbaines (POPSU) parvient aux mêmes conclusions dans son étude pluridisciplinaire commandée par le Réseau rural français. Débutée en 2021, quasiment en temps réel, l’étude s’efforce d’analyser en direct les annonces immobilières des plateformes Leboncoin, Seloger et Meilleursagents, ainsi que les contrats de réexpédition de courriers souscrits auprès de La Poste. « La distinction entre espaces urbains et espaces ruraux n’est pas opérante pour expliquer les mobilités résidentielles depuis le début de la pandémie », explique le rapport. Les citadins adoptent une myriade de pratiques parmi lesquelles les départs vers la campagne seraient une minorité (14% des départs). Dans la majorité des cas, les urbains partent vers la grande couronne de leur ville, ou vers d’autres aires urbaines comparables, avec une prime pour les littoraux. Pas de rupture résidentielle donc, mais des tendances qui se maintiennent, notamment l’étalement urbain. Les chercheurs évoquent un « desserrement urbain » voire une « méga-périurbanisation ».
Le mauvais CV
Parmi ceux qui partent, il faut aussi nuancer. Le néo-rural dépeint par les médias, diplômé ou cadre supérieur en reconversion est loin d’être le seul profil existant. POPSU mentionne la forte représentation des retraités à la recherche de soleil, ou encore des « ménages à la précarité plus ou moins choisie », en habitat léger ou mobile, qui favorisent des modes de vie en autonomie. Lorsqu’ils ressemblent au stéréotype, les néo-ruraux gardent souvent un pied en ville (résidence principale et emploi), avec une contribution au développement local assez limitée.