À Lyon, un village mobile pour l’insertion de réfugiés
Alors que l’urbanisme transitoire est en plein boom, un projet d’accueil de réfugiés doit voir le jour à l’automne sur une friche industrielle en plein cœur de Lyon. En partenariat avec l’association Habitat et Humanisme, ce village mobile assurera pendant deux ans une mission d’insertion professionnelle.
Tout part d’une intuition, celle de l’occupation temporaire. « Nous sommes propriétaires d’une friche industrielle en plein cœur de Lyon dont le développement immobilier va prendre quelques années » commence Claudie Jacoutot, directrice sur Lyon d’UrbanEra, l’activité d’aménagement de quartier durable de Bouygues Immobilier. « On voulait en profiter pour mettre en place différentes formes d’urbanisme temporaire qui servent le territoire et répondent à des enjeux sociaux et sociétaux ».
Réinsérer par le logement
Comme on envoie une bouteille à la mer, le promoteur contacte la collectivité. Y-a-t’il des besoins en hébergement d’urgence ? Quels seraient les opérateurs ? Il se trouve qu’au même moment l’association Habitat et Humanisme est en discussion avec la Mairie du 7ème arrondissement de Lyon, elle cherche justement du foncier pour expérimenter un petit village mobile. « Notre mission est de faire de l’insertion par le logement explique Christophe Perrin, Président d’habitat et humanisme Rhône. De trouver un toit à des personnes précaires puis de les accompagner dans la durée. On est beaucoup sollicités en urgence pour des familles en situation très difficile et on voulait expérimenter un petit village éphémère. L’idée étant d’être plus réactifs qu’avec une grosse opération. ».
De fil en aiguille, Bouygues Immobilier signe une convention d’occupation précaire avec Habitat et Humanisme. L’association prend l’usage de la parcelle et gère l’implantation du projet d’hébergement d’urgence pour deux ans. 80 personnes y seront logées dans des conteneurs maritimes recyclés répondant au label BBC. Elles seront guidées d’abord dans leurs démarches administratives et sanitaires puis accompagnées dans leur réinsertion professionnelle et sociale.
Faire changer le regard
Parmi les programmes à mettre en place dans une occupation temporaire, l’hébergement d’urgence de réfugiés n’est pas le plus aisé. Comme le raconte Claudie Jacoutot, le sujet est sensible : « Du maire d’arrondissement au préfet, il fallait que tout le monde soit d’accord avec le projet avant de se lancer ». L’information des riverains est également importante. Pendant l’annonce du projet, Habitat et Humanisme présente une exposition photo racontant le parcours des futurs voisins, et dès l’ouverture du centre, des rencontres et des actions de sensibilisation seront menées avec les riverains. Malgré tout, un riverain contacte la mairie, inquiet que le quartier ne se dégrade et ne se dévalorise.
« On participe à faire une ville plus inclusive, en répondant à un besoin essentiel de logement pour tous » commente Claudie Jacoutot. « C’est normal que les gens soient inquiets, c’est à nous et Habitat et Humanisme de les rassurer et de faire que les choses se passent bien. La Commune, le tiers lieu voisin, a spontanément proposé de faire des animations avec les réfugiés et les gens du quartier. On a vraiment hâte que le lieu ouvre et de contribuer à faire changer le regard. » Pour Christophe Perrin, la localisation est importante : « on vise les quartiers aisés qui sont en plein cœur de ville justement pour promouvoir la mixité sociale ».
Anti-gaspi foncier
Le village mobile n’est qu’une petite parcelle de la friche Nexans. Sur le reste du terrain Bouygues Immobilier étudie la mise en place d’une préfiguration urbaine. Celle-ci permettra à des porteurs de projets de faire mûrir leur activité pendant la durée nécessaire à la réhabilitation de la parcelle. Sous la forme d’une association, Bouygues Immobilier accompagnera ces projets pour les pérenniser dans le futur quartier. Si le projet est concrétisé, un tiers lieu sera ouvert au public et activera de nouveaux usages et services, sur un site qui était jusqu’alors fermé aux riverains.
Ces démarches d’occupation temporaire et d’urbanisme transitoire commencent à se populariser auprès des collectivités, des bailleurs et des promoteurs. Elles permettent en effet de créer une meilleure intensité d’usage dans des villes qui manquent de foncier vacant. Mais pas seulement : pour un promoteur elles permettent notamment de répondre à un problème majeur, l’effet quartier dortoir.
L‘effet dortoir
Une fois un quartier livré, il arrive en effet que la vie prenne du temps à s’installer, pour peu que les commerces soient frileux à s’installer ou tardent à arriver. « C’est vraiment une gageure » admet Claudie Jacoutot. De l’occupation éphémère ponctuelle à la préfiguration qui impactera le futur projet immobilier, ces démarches offrent un panel de réponses à cette problématique. Le quartier est neuf mais il a déjà commencé à vivre avant de sortir de terre. En effet, comme un incubateur du projet à venir, l’occupation va tisser des liens, construire une identité et faire connaître le quartier. « Je ne pense pas que ce soit un simple effet de mode, il y a une vraie tendance de fond à recréer des lieux de convivialité en ville, des cafés du coin. Ces lieux recoupent des enjeux économiques, sociaux, de développement durable… »
De son côté, Christophe Perrin se réjouit qu’un promoteur joue le jeu de l’occupation temporaire.
« C’est une première en France il me semble. Pour nous qui sommes toujours en quête de foncier vacant, c’est une très bonne nouvelle. On peut espérer que ça en inspire d’autres sur le territoire. »