A Ha Giang, l’Homme se fond dans la nature
Le temps de quelques jours, avant de revenir à Hanoi, la découverte du Vietnam m’entraine à 300 km au Nord-Ouest de la capitale, dans la province d’Ha Giang qui jouxte la frontière chinoise. Ici, les habitants appartiennent en grande partie aux minorités ethniques du Vietnam et ne parlent parfois que leur dialecte local et pas un mot de Vietnamien.
Une agriculture qui embellit la nature
La province d’Ha Giang est une zone de montagne particulièrement préservée de l’impact de la société moderne. Encore assez peu touristique, on y observe des modes de vies qui semblent en harmonie avec la nature.
Dans ces montagnes, les habitants ont développé une agriculture singulière. Le riz est en effet ici cultivé sur des terrasses. Quelques mètres de large et un ou deux mètres de haut, elles dévalent les pentes des collines. La morphologie du champs rend impossible, ou en tous cas particulièrement difficile, toute mécanisation de la culture ou de la récolte. C’est donc à la faucille que les paysans s’attèlent à cette tâche. Cette absence de mécanisation n’est pas non plus à idéaliser ! En effet, elle ne garantit pas une agriculture parfaitement respectueuse de l’environnement, l’usage de pesticides étant généralisé ici aussi.
Ces terrasses, et leur stabilité, témoignent d’un savoir-faire très abouti. Par ailleurs, elles ont une valeur esthétique impressionnante. La vision à perte de vue de ces champs singuliers donne le sentiment que l’action des hommes a tracé dans la montagne des sillons de vinyles pour dessiner des dessins étranges. Ainsi, la culture agricole, au lieu d’uniformiser le paysage, le rythme et le transcende.
Un habitat à faible impact
Bien que quelques villes de tailles modestes parsèment la région, les habitants de la province d’Ha Giang vivent pour leur grande majorité dans des hameaux, et parfois même dans des maisons isolées. J’ai eu la chance d’être accueilli avec une amie vietnamienne pour une journée par une famille dont l’organisation de la maison était à la fois simple et ingénieuse.
La maison est construite intégralement en bois, seul le toit est en zinc. Elle est posée sur pilotis en hauteur d’un ruisseau. Sous la maison, les poules déambulent et les deux cochons sont parqués. Leur chaleur dégagée durant la nuit permet de contribuer au chauffage de la pièce de vie au-dessus. Le coq, lui, ne manquera pas de nous réveiller au lever du soleil le lendemain. On accède à l’unique pièce d’environ 40 m2 par un escalier et une terrasse en s’étant auparavant déchaussés (c’est une évidence ici). Mise à part la porte principale orientée au sud, la maison ne dispose d’aucune véritable ouverture sur l’extérieur. Néanmoins, les nombreux jours entre les lamelles de bambou qui constituent les murs permettent un éclairage intérieur très suffisant durant la journée ainsi qu’une bonne circulation de l’air.
La composition intérieure est assez modulable. Elle est équipée de deux mezzanines, l’une pour les affaires de la famille, l’autre pour le garde-manger. Le soir, la pièce se sépare en chambres individuelles (mais pas insonorisées) en suspendant du sol aux mezzanines des couvertures opaques. L’espace de la cuisine comporte un foyer au revêtement en terre au-dessus duquel se situe le garde-manger. La chaleur dégagée par le feu permet de préserver les aliments de l’humidité et des bêtes. La « cuisine » est également équipée de la seule prise électrique de la maison, reliée au générateur électrique du hameau. On y branche le rice-cooker, élément essentiel (et parfois unique équipement) de toute cuisine vietnamienne.
Le soir, réunis avec la famille autour de l’unique ampoule de la maison, nous dinons. Les déchets alimentaires sont directement glissés par chaque convive dans les jours entre les lamelles du plancher et vont nourrir les porcs et les poules sous la maison. Je questionne le père. Cette situation est tout à fait agréable en été mais qu’en est-il pour la saison d’hiver bien plus froide ici en montagne? Il m’explique alors qu’ils font actuellement construire une maison en dur pour l’arrivée de l’hiver. Evidemment, c’était un peu trop simple.
Ainsi, cette situation n’est pas auto-suffisante et serait difficilement réplicable dans les pays occidentaux. Néanmoins, elle peut fortement nous interroger sur la manière de penser l’habitat saisonnier, les maisons de vacances et l’apparente nécessité de les construire en dur, tout équipées des éléments censés assurer le « confort occidental ».