1000 Singapours : éloge de la ville compacte
L’exposition organisée à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine jusqu’au 14 septembre 2015 pose la question de l’exportation du modèle urbanistique singapourien ailleurs dans le monde. L’occasion de mieux comprendre le développement urbain fulgurant de la « cité-État », qui fête cette année ses 50 ans d’indépendance.
Initialement présentée en 2010, à la biennale de Venise, l’exposition « 1000 Singapours » a été mise à jour et repensée pour proposer un dialogue comparatif entre la cité asiatique et la ville de Paris. Pourquoi ce titre, « 1000 Singapours » ? À cause d’un calcul, d’une extrapolation étonnante qui laisse penser que mille villes de la taille et de la forme de Singapour suffiraient pour contenir l’humanité toute entière, soit près de 7 milliards de personnes, et ce en utilisant seulement 0,5% de la surface de la Terre (environ deux fois la France)… Et quitte à s’arrêter un temps au rayon chiffres, rappelons que Singapour, une ville pensée pour s’adapter brillamment aux contraintes de sa superficie réduite (710 km2), de la pression démographique (6,9 millions d’habitants) et du climat tropical, fait sept fois la taille de Paris.
Démesure architecturale
L’exposition s’articule autour de huit points, chacun correspondant à la stratégie globale adoptée par Singapour : densité, territoire, nature, infrastructures, modèles urbains, gouvernance, économie et architecture. À grands renforts de dessins, de maquettes et de diagrammes, le visiteur est ainsi invité à réfléchir au modèle de développement des mégapoles modernes, et aux différences d’approches entre les grandes villes occidentales et Singapour. Mention spéciale aux photographies de Darren Soh, qui documentent avec sensibilité les transformations de la « cité-État ».
Ville compacte par excellence, Singapour est présentée comme « pionnière pour les stratégies de planification et de densité urbaine de toute l’Asie. » Le meilleur du modèle singapourien serait ainsi facilement exportable dans des pays comme la Chine, l’Inde, le Vietnam ou encore les pays d’Afrique centrale, dont l’urbanisation souvent mal contrôlée est un défi majeur. Tant pis pour les risques, pourtant évidents, d’homogénéisation des mégapoles mondiales. A-t-on vraiment envie de voir fleurir partout dans le monde des clones du Marina Bay Sands, ce complexe hôtelier célèbre pour sa piscine à débordements perchée à 200 mètres de hauteur, si symptomatique de la démesure architecturale made in Singapour ?
« Urbanisme éclairé »
Si l’exposition a le mérite d’interroger la notion d’hyperdensité, quitte à vanter de façon quasi idéologique les mérites de la verticalité, elle présente sans beaucoup de distance le « modèle » singapourien comme une forme d’« urbanisme éclairé ». Plus que discutable. Autre réserve : « 1000 Singapours » met de côté la dimension politique de la construction de la cité-État. Pas un mot, par exemple, sur ce savant mélange d’autoritarisme et de démocratie mis en place par le Parti d’action populaire, au pouvoir depuis l’Indépendance. Pour l’esprit critique, il faudra repasser. En matière d’ouverture de la réflexion sur les vertus et les inconvénients de l’ultradensité urbaine, en revanche, le pari est plutôt réussi.
– Organisée dans le cadre du festival « Singapour en France », l’exposition « 1000 Singapours » est à découvrir à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine jusqu’au 14 septembre 2015.