De la vieillesse à la sagesse 2/2
Après un portrait des seniors et un tour d’horizon du sort qui leur est réservé dans nos sociétés (vieillissantes), intéressons-nous plus directement aux espaces urbains, en tant que terres d’accueil de ce corps social si particulier…
Longtemps focalisées sur la santé (physique) comme norme, les politiques publiques élargissent depuis un certain temps leur champ d’intervention par l’intégration de notions plus théoriques tel que le bien-être – individuel et quotidien. En filigrane, la prise en compte de ce type de filtres suppose évidemment des formes diverses de l’adaptabilité des espaces publics aux citadins les plus vulnérables.
Les villes deviennent (petit à petit) « sexygénaires »
De fait, l’accès aux services urbains de proximité doit autant s’appréhender du point de vue architectural que de celui de la mobilité. Si la loi de 2005 relative au handicap a rendu obligatoire l’aménagement de tous les bâtiments recevant du public à certaines règles d’accessibilité, ainsi que le développement de réseaux de transports en commun praticables pour les personnes à mobilité réduite (comprenant l’usage de fauteuils roulants, poussettes, déambulateurs, etc.), son application reste lente. En zones périurbaines ou rurales où l’automobile est reine, les personnes âgées sont souvent obligées de s’en remettre à la solidarité familiale, ou aux bonnes relations de voisinage, si elles refusent de rester enfermées chez elles comme dans un sarcophage…
L’impensé de la perte d’autonomie en urbanisme trouve ses soubassements dans les lettres de Simone de Beauvoir, qui (d)énonçait avec clairvoyance ce phénomène dès 1970[1] :
« par le sort qu’elle assigne à ses membres inactifs, la société se démasque ; elle les a toujours considérés comme du matériel. Elle avoue que pour elle seul le profit compte et que son “humanisme” est de pure façade ».
Et si les personnes âgées étaient les urbanistes de demain ?
Le réseau international « Villes et communautés amies des aînés » impulsé par l’OMS en 2007, a permis de réaliser un audit au sein de villes volontaires pour renforcer la mixité intergénérationnelle et les liens de solidarité. Quatre priorités d’action ont ainsi pu émerger. En premier lieu : la nécessité d’une « acuponcture urbaine », en réalisant des micro-adaptations de l’espace public, notamment en matière de voirie (élargissement et réfection des trottoirs, revêtement anti-dérapant, réduction des obstacles, augmentation du temps de décompte aux passages piétons pour les PMR). Ensuite, l’accès aux services urbains par des dispositifs comme le portage de courses à domicile ou la mise en œuvre d’un réseau de transport à la demande. Faisant échos à ces préconisations, Faciligo se présente par exemple comme un réseau social qui facilite la mobilité pour tous, par la mise en relation de voyageurs à mobilité réduite (PMR) avec des voyageurs soucieux de prêter main forte… Ce service fonctionne dans tous les modes de transports, tant pour des petits déplacements que des longs voyages. L’objectif : permettre à tous de « voyager mieux et moins cher ». De la bienveillance pour bienvieillir, en somme ?
En outre, la planification urbaine devrait mieux intégrer les défis du vieillissement par le biais d’expérimentations éprouvées au coeur des espaces habitables. Ces dernières années, on note ainsi un engouement certain (privé et public) pour diverses initiatives d’habitats partagés, fondés sur l’entraide. A ce titre la coopérative d’habitants Chamarel – Les Barges, inaugurée à Vaulx-en-Velin à l’été 2017, invente en quelque sorte la maison de retraite de demain…
Dès lors, favoriser les solidarités intergénérationnelles en faisant participer les séniors à des activités de la vie sociale (garde d’enfants, soutien scolaire, cours particuliers comme Les talents d’Alphonse) peut s’avérer un bon remède à l’isolement et à la dégradation des capacités physiques et intellectuelles de ces personnes fragilisées. Une ville plus accueillante pour les personnes âgées l’est donc logiquement pour l’ensemble des citoyens-usagers, réduisant une multitude de situations de vulnérabilité. Les solutions envisagées, loin de renforcer l’insolent et mythique désir humain d’immortalité au moyen d’artifices technologiques, invite à un développement humain et durable des espaces de vi(ll)e.
Diane Devau
[1] Simone de Beauvoir, La Vieillesse, Paris, Éditions Gallimard, 1970
Vos réactions
J’applaudis des 2 mains cet article.Mais quid du regard jeté sur les vieuxdans les cafés et autres lieux dits de convivialité quand on n’est pas PMR mais simplement raisonnablement âgés? Pas détendu,ce regard..