Santé des citadins : quel rôle pour les villes ?

Les voies sur berges des Rives de la Seine
25 Avr 2018

Paris agit contre la pollution de l’air en réaménageant les Rives de Seine et Villeurbanne expérimente « le sport sur ordonnance ». On constate aujourd’hui que les villes agissent pour la santé de leurs habitants. La croissance des maladies liées au mode de vie urbain ou périurbain (pollution, obésité, …) replace cette question au cœur des préoccupations urbaines. Les villes cherchent depuis qu’elles existent à rendre leur environnement plus sain pour leurs habitants (thermes romains, égouts, mesures hygiénistes, …). Mais de quelle manière sont-elles aujourd’hui de plus en plus actives sur ces enjeux ? Comment réconcilient-elles l’urbain et la santé ?

Mieux vaut prévenir que guérir !

Alors qu’au 19ème siècle les villes luttaient contre l’insalubrité et les épidémies liées à la surpopulation en réalisant des percées urbaines et de grands parcs pour aérer le tissu urbain, la pression urbaine et ses risques sanitaires pointent aujourd’hui à nouveau le bout de leurs nez. Cancers, maladies cardio-vasculaires, diabète, asthme, stress, mais aussi isolement social… il n’est plus à démontrer que l’environnement urbain en est une des causes et qu’il a par conséquent un impact sur notre santé. La surpopulation, le manque d’espaces verts, la pollution sonore ou de l’air, le mode de vie urbain sont la source de différentes pathologies autant physiques que mentales. Or, en 2050, les deux tiers de l’humanité vivront en ville, ce qui en fait un sujet prégnant pour les années à venir !

Certaines villes s’emparent depuis quelques années du sujet : elles définissent différents objectifs de santé, identifient les inégalités d’accès aux soins et intègrent la santé dans la réflexion des projets d’aménagement. L’urbanisme de zones d’aménagement monofonctionnelles (logements, activités, industries) a d’ailleurs contribué à l’éloignement des espaces d’habitation de certaines sources de pollutions ou nuisances (usines, centres commerciaux, routes, …) et la santé est devenue un enjeu à part entière à intégrer dans les réflexions d’aménagement. Ainsi, différentes études ont été menées ces dernières années sur le phénomène et ont permis d’identifier, mais aussi de comprendre, les facteurs aggravants sur la santé.

Les voies sur berges des Rives de la Seine

Les voies sur berges des Rives de la Seine réaménagées à Paris pour réduire la pollution de l’air et sonore, mais aussi inviter à la promenade et à la pratique sportive. ©Mairie de Paris

Aujourd’hui, la ville durable veille à construire une ville saine ! Elle développe la piétonnisation et les mobilités alternatives à la voiture pour restreindre la pollution et le bruit, elle intègre davantage d’espaces verts dans les projets urbains et elle construit des immeubles avec des matériaux toujours plus sains. Une tendance qui s’affirme dans chaque projet d’écoquartier. Mais les villes cherchent aussi à agir sur l’espace urbain dans son ensemble, notamment en sensibilisant autrement les citadins pour modifier leur pratique de la ville.

Les villes agissent sur les comportements pour réduire la pollution

Intégrer la santé dans les réflexions d’aménagement est un enjeu crucial, mais certaines villes vont plus loin en tentant d’agir aussi sur les usages et les comportements des habitants. C’est le cas par exemple en cas de pic de pollution. En effet, quand un tel évènement a lieu, la ville de Paris encourage les alternatives à la voiture en instaurant la gratuité des vélib’, autolib’ et transports en commun. Depuis 2017, Paris est aussi une zone à circulation restreinte, c’est-à-dire que les jours de forte pollution, les véhicules les plus polluants signalés par des pastilles “Crit’Air” ne peuvent pas circuler en ville. Ces autocollants répartissent l’ensemble des véhicules en 5 catégories, des moins au plus polluants : cela permet en cas de pollution de réguler le nombre de véhicules en ville sous peine d’amendes dans le but d’inviter les propriétaires de véhicules polluants à utiliser d’autres moyens de transport.

Mais comment sensibiliser au quotidien les citadins à la pollution de l’air, un phénomène impactant sur la santé mais peu visible ? Aux Pays-Bas, un inventeur hollandais a eu une idée originale pour signaler l’état de la qualité de l’air de manière ludique : une cabane à oiseaux factice qui sert en réalité à prévenir des taux de pollution grâce à un code couleur affiché par des LED. Associées à une application, ces cabanes relèvent les taux de pollution partout en ville et servent ainsi à informer en temps réel sur l’air ambiant. Le dispositif offre du Wifi gratuit aux habitants qu’à la condition d’une bonne qualité de l’air : un moyen de les sensibiliser à cette question autrement et d’inciter à la pratique du vélo.

De fausses cabanes à oiseaux pour sensibiliser à la pollution urbaine

De fausses cabanes à oiseaux pour sensibiliser à la pollution urbaine. ©TreeWifi

Arpenter et découvrir les villes

Afin d’éviter que les urbains soient trop sédentaires et d’inciter à la marche, différentes villes mettent en place des moyens variés pour sensibiliser au quotidien les habitants. À Tokyo, dans le quartier dynamique de Shibuya, certaines marches d’escaliers signalent les calories perdues à chaque ascension. Un moyen de sensibiliser à l’impact de l’activité en ville. Dans les villes françaises, pour favoriser la marche, ce sont les panneaux de signalisation qui se prêtent au jeu : ils indiquent combien de temps sont nécessaires pour rejoindre les lieux renseignés à pied.

Dépenser des calories en montant les marches à Tokyo.

Dépenser des calories en montant les marches à Tokyo.

Des panneaux de signalisation pour inciter à la marche installés à Marseille.

Des panneaux de signalisation pour inciter à la marche installés à Marseille.

Récemment, d’autres outils, ici numériques, sont venus transformer les comportements en ville. Les applications podomètres permettent d’avoir une meilleure visibilité du nombre de pas effectués dans la journée et sensibilisent de plus en plus les citadins sur leur pratique de la marche en les incitant à bouger davantage. Il en va de même avec l’ensemble des applications dédiées au running qui ont contribué à faire émerger ce phénomène de plus en plus populaire en ville. De Nantes à Pantin, pour accompagner et encourager ce phénomène, partout on organise des foulées, des marathons ou des trails urbains.

Invitation pour les foulées pantinoises de 2018

Invitation pour les foulées pantinoises de 2018. ©Ville de Pantin

Ces nouvelles pratiques poussent aussi à découvrir autrement la ville puisque marcheurs et coureurs parcourent les espaces d’une manière nouvelle. On peut ainsi évoquer des phénomènes ludiques comme Pokémon Go, cette application qui incite à l’exploration urbaine pour la recherche de pokémons, ou encore le Géocaching qui consiste à partir dans une chasse aux trésors collaborative. De nouvelles activités urbaines qui poussent à découvrir autrement la ville.

Partir à la quête d’une cachette pour avoir un prétexte à la balade et découvrir des quartiers que l’on ne connaît pas.

Partir à la quête d’une cachette pour avoir un prétexte à la balade et découvrir des quartiers que l’on ne connaît pas.

Jardiner son potager pour manger mieux

Autre pratique en plein essor et qui contribue à la santé, c’est l’agriculture urbaine et plus globalement le jardinage. Une activité qui permet de sortir s’aérer la tête, de se dépenser et de produire des aliments biologiques de qualité. L’agriculture urbaine c’est aussi le moyen de créer des liens avec le voisinage et les habitants de son quartier !

Aux Etats-Unis, “pays de la malbouffe”, Détroit se relève grâce à l’agriculture urbaine qui en plus de lui apporter une sécurité alimentaire, elle garantit aux habitants des produits de qualité et bons pour leur santé. Dans cette même logique, à New York dans le quartier de Brooklyn où l’accès à l’alimentation saine est difficile avec la présence de seulement quelques épiceries sans produits frais, le supermarché coopératif et autogéré de Park Slope Food Coop (PSFC) a été une réponse pour donner un meilleur accès aux produits alimentaires de qualité et pour la plupart biologiques.

Bande annonce du documentaire Food Coop

Une pratique collaborative qui permet aussi de recréer un lien entre les différents habitants de la ville. Cette cohésion sociale retrouvée lutte contre l’isolement en ville, un autre facteur de santé pourtant souvent oublié. Car oui, c’est paradoxalement dans les villes à forte densité que l’isolement est le plus fort : on s’y rencontre finalement peu et l’on y tisse moins de relations. Or les liens sociaux prémunissent du stress social et des maladies mentales.

Nouer un lien avec la nature et l’alimentation, c’est aussi prendre plus le temps, retrouver le rythme des cycles naturels, apprendre à prendre soin de son corps. Alors que l’obésité touchera bientôt 20% de la population mondiale adulte, l’enjeu sanitaire d’avoir un accès à la nourriture saine est prégnant pour vaincre ce mal du siècle. Les ateliers de jardinage urbain permettent également de sensibiliser les habitants au “manger mieux”, y compris pour les quartiers les plus déconnectés de ce mode de vie. Ainsi, comme le dit le vieil adage attribué à Hippocrate : « que ton aliment soit ton seul médicament ». Les villes deviennent nourricières pour garantir une meilleure santé à leurs citadins.

Outre l’aménagement urbain, les villes et leurs habitants réconcilient le mode de vie urbain avec la santé par différents outils qui visent à encourager les changements de comportements et à inciter d’autres pratiques de la ville, par l’information, la sensibilisation et le faire ensemble. Agir pour la santé en ville n’est donc plus seulement éloigner les sources de nuisances des habitations et construire un environnement sain, mais c’est aussi impulser un mode de vie urbain davantage serein et actif, tourné vers les autres. Ainsi, œuvrer pour la santé physique et mentale, c’est offrir à tous, aujourd’hui et demain, un cadre sain et serein, mais aussi un environnement social collaboratif et solidaire où chacun trouve sa place. Alors pourquoi ne pas transformer notre approche peut-être trop restreinte de la santé en une approche plus globale : celle du bien-être en ville !

LDV Studio Urbain
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Vos réactions

VARD
4 mai 2018

Bonjour,
Je suis d’accord avec cette approche, mais à mon avis le changement doit être plus incisif,
le discours plus combatif. Le marketing des grandes sociétés est très puissant et diffusé à
grand renfort de trompes par tous les moyens médiatiques plus abrutissants les uns que les autres; la résistance des pouvoirs publics aux changements pourtant nécessaires est extrêmement forte jusqu’à l’oubli de tous règlements et lois.
Il est nécessaire de combattre par tous les moyens légaux les décisions prises au niveau local et qui ne vont pas dans le sens d’aménagements urbains favorisant les modes de déplacements des plus vulnérables, piétons, cyclistes, handicapés.
Il est nécessaire de combattre les pratiques de l’industrie agroalimentaire en commençant
par les plus délétères, en particulier l’utilisation d’ingrédients raffinés, ultra-transformés et d’additifs nombreux potentiellement cancérigènes.
Il est nécessaire de réclamer depuis le niveau local des mesures fortes, par exemple l’interdiction de l’utilisation des deux roues à moteur deux temps pour commencer qui sont de puissants générateurs de pollutions puis à quatre temps pour finir, dans l’espace urbain. Les deux roues hybrides ou non mus par un moteur électrique existent il faut en encourager l’acquisition en remplacement des pétoires polluantes, fumantes et malodorantes qui sillonnent nos villes et abords de plage.
Le bien être ça se gagne en combattant.

Christian

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