Musées en ville : ouvrir la culture à tous les urbains ! (2/2)
Dans notre précédent billet, nous abordions la question de la muséographie institutionnalisée, et de son rôle dans le territoire. Car si l’effet Guggenheim est bénéfique à l’économie d’une région, il ne conduit pas nécessairement à la démocratisation de la culture. Le musée serait devenu un écrin où l’on voue un culte à la culture, sans remise en question, hermétique aux profanes n’ayant pas le bagage culturel pour l’appréhender. Dans ce deuxième article consacré aux musées comme objets urbanistiques, nous nous intéressons aux initiatives visant à dépoussiérer ces établissements.
Renouveler la muséographie en s’inspirant des hackathons
Nous ne pouvions pas commencer cet article sans parler de Museomix. Créé en 2011, ce rendez-vous annuel a lieu autour du week-end du 11 novembre, et réunit un millier de participants dans le monde. L’objectif : réinventer la façon dont les publics se réapproprient les musées. Pendant trois jours, des équipes aux profils variés (médiateurs, communicants, développeurs, graphistes…) vont œuvrer pour concevoir un prototype qui sera mis à disposition du public le dernier jour de l’événement. Les organisateurs de Museomix soulignent cependant que ces prototypes ne sont pas une fin en soi, même s’ils sont bien accueillis par les visiteurs. Libre au musée ayant accueilli tel ou tel prototype de le mettre en place de façon plus pérenne par la suite, ou de le modifier pour mieux répondre à ses besoins.
Que ce soit en faisant intervenir des disciplines tiers, en impliquant davantage les visiteurs par l’expérimentation ou l’appel à d’autres sens que la vue, en faisant sortir le musée de ses murs… Museomix souhaite interpeler et remet en question les usages traditionnels du musée dans la ville.
Quand le musée imaginaire se concrétise grâce au numérique
Si Museomix se concentre sur les futures pratiques muséographiques dans l’optique d’une véritable démocratisation de ces espaces, d’autres institutions ont entamé leur transformation de leur côté. Avec une arme de taille : le numérique. Certains comme le Metropolitan de New York ont opté pour la création d’applications mobiles spécifiques : le smartphone remplace l’audioguide grâce à la géolocalisation du visiteur. D’autres, comme le Rijksmuseum à Amsterdam, ont fait le choix de l’open data, en mettant ses collections à disposition du public en ligne, conduisant à davantage de visites.
Certains musées envisagent même de transformer le visiteur en contributeur, dépassant son simple statut initial de consommateur ou de donateur. Ainsi, Bernard Alaux, directeur de Cap Sciences, à Bordeaux, déclare : “A terme, l’objectif d’un musée ce n’est plus simplement de diffuser de la connaissance ou de la mettre en scène, mais aussi de la produire.” Aujourd’hui, plusieurs institutions font déjà appel au crowdsourcing, comme le Museum of Natural History de Londres ou la Bibliothèque Nationale de France.
Plus de vie dans les musées
Toutes ces initiatives visent à ré-impliquer le public dans le musée, dans la découverte et la culture. La dernière étape résiderait donc dans la désacralisation pure et simple des musées, pour les ouvrir au plus grand nombre. Or, comment toucher un public toujours plus divers et nombreux ?
On peut faire appel à des personnalités qui parleront davantage au grand public que des universitaires qui ont encore du mal à vulgariser leurs discipline. Ainsi, le Louvre a invité plusieurs Youtubeurs à explorer ses collections pour en tirer des vidéos à l’audience loin d’être négligeable. On notera qu’Ubisoft a réalisé une opération du même acabit en faisant venir différents Youtubeurs spécialisés en Histoire pour une visite privée du British Museum dans le cadre du lancement du jeu vidéo Assassin’s Creed Origins. On pourrait voir ces opérations comme le prolongement des méthodes de marketing culturel standard. Cependant, l’audience des chaînes visées par les institutions est bien souvent plus jeune. L’objectif est clair : rajeunir le public du musée.
On remarque également l’ouverture des musées à des événements tiers. On connaît le musée comme espace d’exposition et de recherches. Découvrez le musée comme espace événementiel ! Certes, la privatisation d’institutions prestigieuses ne date pas d’aujourd’hui, mais restait l’apanage d’une minorité généralement très favorisée. Mais ce qui est proposé à présent, c’est de faire côtoyer arts statiques et arts vivants, comme la danse ou la musique. Si pour l’heure ces spectacles restent dans le champ de la culture institutionnelle (danse contemporaine, musique classique ou savante), espérons que bientôt des DJ set endiablés feront vibrer la Galerie des Offices, et que des manches de la BOTY se dérouleront au milieu des bronzes figés du Musée d’Orsay !
Contrairement à ce que les premiers conservateurs de musée pouvaient penser, la création n’a pas atteint ses limites et les savoirs ne peuvent pas tous être catégorisés… Or, c’est à partir de ce postulat que bon nombre d’institutions se sont construites. Aujourd’hui, conscients de la mouvance des savoirs et des différentes attentes d’un public très varié, il faut que le musée se reprenne en main et devienne un espace d’échange et de confrontations pour toutes et tous, pas seulement pour une élite éduquée !
Thomas Hajdukowicz