Lulu dans ma rue, la nouvelle conciergerie qui « réchauffe » le quartier
Vous avez peut-être déjà croisé ce kiosque étonnant sur le terre-plein central de Saint Paul à Paris. Tout vert comme un kiosque à journaux, mais où il est parfois possible de jouer au Go ? Il s’agit du kiosque des Lulus, ces nouveaux bienfaiteurs urbains capables de rendre les menus services du quotidien. A la fois bricoleurs, livreurs, déménageurs… ils ramènent la prestation de service dans la vie du quartier et prennent soin de ses riverains. De véritables petits bijoux humains qui ravivent l’âme du Marais et qui, à terme, aimeraient s’essaimer dans de nombreux autres quartiers. Rencontre avec Emma, l’une des salariées de l’association Lulu dans ma rue.
Qui êtes-vous, Lulu dans ma rue ?
Lulu dans ma rue est une association à vocation sociale et solidaire. Sociale, puisqu’en ramenant le métier de « concierge » en ville, nous favorisons la création de lien social. Solidaire, puisque nos Lulus sont des étudiants, des chômeurs, de jeunes retraités, des allocataires du RSA… en quête de revenus complémentaires. En entrant dans l’association, nous les aidons à monter leur statut d’auto entrepreneur. Nos Lulus sont référencés en fonction de leurs compétences et de leur motivation. Notre but est d’abord de les former et de les aider à trouver un travail stable. Ainsi un Lulu débutant, capable de changer une ampoule ou une poignée de porte, par exemple, sera à ses débuts accompagné d’un Lulu expérimenté. Des formations lui seront également proposées afin de lui permettre de progresser plus facilement.
Dès le début du projet, la notion de service « humanisé » nous est apparue fondamentale. Dans une société où l’économie « ubérisée » ou l’économie sociale et solidaire s’opposent dans un élan grandissant au capitalisme, nous voulions tester l’existence d’un nouveau marché : celui des petits services de proximité. Dès lors, il nous a semblé très important de nous ancrer sur un territoire et de devenir un pilier de la vie de quartier. Tandis que les taxis se commandent d’un clic automatique et que ni regards, ni argent ne s’échangent entre un livreur et un client, nous proposons un espace réel et non plus virtuel, où les riverains peuvent se rendre pour nous faire part de leurs besoins.
Bien sûr, nous avons également un service téléphonique et une plateforme internet, mais 50% des demandes passent par le kiosque Saint-Paul. Une proportion qui révèle notre propension à toucher tous les types de publics, en particulier les personnes âgées, au contraire d’une application. Avoir un espace dédié revient à devenir une balise urbaine, autour de laquelle les gens déploient des habitudes. Ils viennent discuter avec nos concierges (ceux qui relayent les commandes aux Lulus), jouent aux dames sur la petite table que nous avons disposée à cet effet, viennent nous déposer des livres en libre-service, participent aux fêtes que nous organisons… L’un d’eux passe tous les jours appuyer sur notre petite sonnette avant de repartir sans dire un mot. C’est sa façon à lui de nous dire bonjour et d’interagir avec un marqueur de son territoire quotidien.
Une conciergerie contemporaine… c’est quels types de services ?
Il y a un peu de tout. Nous pouvons aussi bien être appelés pour poser des rideaux que pour changer un robinet ou déménager une cave, mais nous rendons également des services moins classiques.
Les personnes âgées et seules aiment faire appel à nous car nous apportons un peu d’humanité à leur quotidien. Une fois, nous avons simplement déplacé les meubles dans le salon d’une vieille dame qui voulait changer de décor. Une autre fois, une maman ne résidant pas à Paris nous a demandé de livrer des médicaments à son fils malade.
Ou encore, un croate amoureux transi d’une parisienne nous a demandé de marquer à la craie « Volim te » (je t ‘aime en Croate) devant la porte de son immeuble. On a tellement adoré qu’on lui a offert la prestation !
Il nous arrive également de nous déguiser en Père Noël, d’aller chercher des familles chargées à la gare, de livrer des orchidées et des chocolats ou encore un plateau de fruits de mer tous les vendredis à l’un de nos habitués. Mais, en règle générale, nos services qui ont le plus de succès sont relatifs au bricolage, à l’aide informatique, au ménage et à la manutention.
Nos Lulus sont payés entre 12 et 22 euros net de l’heure, pour une prestation créditée entre 18 à 30 euros de l’heure selon le service demandé. Les Lulus paient leurs cotisations sociales et déclarent leurs impôts avec l’aide de Lulu dans ma rue qui leur offre un soutien administratif. Gros avantage pour les clients, les services à la personne sont déductibles des impôts, ce qui leurs permet de bénéficier de 50% de réduction – crédit d’impôt pour la plupart des services rendus !
Quelle est la philosophie qui vous anime ?
Lulu dans ma rue a été fondé par Charles-Edouard Vincent, appelé affectueusement par tout le monde « Charlie ». Après des études à Polytechnique et à Stanford, suivies d’une carrière dans de grands groupes de services informatiques, Charlie a opéré un revirement à 360° pour lancer Emmaüs Défi. Grâce à ce chantier de réinsertion, un « bric à brac » dans le 19° arrondissement de Paris, des personnes en situation précaire se chargent de collecter, retaper et vendre des objets. Un bon moyen d’intégration par l’activité économique qui sert d’amorce à une réinsertion autant professionnelle que sociale.
La clef de voûte de ce dispositif repose sur la réinvention du travail à l’heure (Dispositif Premières Heures). La condition des personnes sans-abris n’offre pas la possibilité de respecter des horaires contraignants et certains exclus n’étant pas en condition de suivre un rythme de 26 heures par semaine ou d’intégrer des entreprises classiques. L’objectif de Charlie était de renverser les paradigmes du travail à l’heure, à l’origine extrêmement précarisant, pour en faire un tremplin professionnel.
Lulu dans ma rue repose sur le même principe tout en s’adressant à un autre type de public. Non plus grands exclus mais individus à la recherche de compléments de revenus, nos Lulus ne sont que de passage chez nous. Nous accompagnons leur transition en faisant en sorte qu’ils ne soient pas prisonniers du temps. Ils peuvent ainsi cumuler plusieurs petits boulots, développer un projet personnel en parallèle ou suivre une formation.
Mais attention ! Nos Lulus ne sont pas des « bénéficiaires » ni des « personnes en insertion » ou « en reconversion ». Ce sont des Lulus, un point c’est tout. Nous ne communiquons pas sur le social pour construire l’image de notre association. La plupart des personnes qui font appel à nous ne connaissent pas cet aspect du projet. Notre discours s’axe exclusivement sur une image de marque : la qualité, le service de proximité et la disponibilité des concierges.
Quant aux objectifs à venir : Nous aimerions que nos Lulus prennent plus de place dans la vie du quartier, qu’ils deviennent de véritables veilleurs urbains. Nous allons bientôt commencer un cycle de formation aux premiers secours afin qu’ils soient en capacité de réagir face à des situations d’urgence. Nos Lulus pourraient ainsi garder un œil bienveillant sur les personnes âgées, alerter la famille en cas de doute, appeler les secours en situations de crise… En plus de créer une activité économique à l’échelle locale et de créer du lien social à l’échelle du quartier, nous avons vocation à lutter contre l’isolement.
Le Marais se vide progressivement de ses artisans et commerces de proximité au profit d’enseignes de prêt à porter de luxe. Est-ce pour cela que vous avez décidé de vous implanter dans ce quartier ?
C’est un fait qui n’a pas réellement dicté notre ancrage. Ce qui est certain, c’est qu’à Paris, les artisans, les vendeurs ambulants ainsi le métier de concierge d’immeuble ont disparu ou disparaissent (et parfois, reviennent à « la mode). Il s’avère que le maire du quatrième arrondissement, Christophe Girard, a exprimé une réelle volonté de porter cette expérimentation sur son territoire. Un partenaire nous a mis le kiosque à disposition le temps de l’expérimentation et la Ville de Paris nous loue l’emplacement à un prix symbolique. Le Marais est un excellent quartier test. Malgré les apparences, il accueille encore une grande mixité. De nombreux loyers de 48 abritent des personnes âgées à faibles revenus, les logements sociaux se mêlent aux appartements de grand standing.
Signe du destin, l’un de nos clients nous a appris qu’avant la Seconde Guerre mondiale, la place Saint-Paul s’appelait la Place du travail car on venait y chercher du travail à l’heure !
Pour l’instant, ce kiosque couvre les 1°, 2°, 3°, 4° et 11° arrondissements de Paris. Nos Lulus, tout comme nos clients, doivent résider dans ces quartiers. Si nos prestations sont si peu chères, c’est qu’elles n’induisent pas de frais de déplacement. Cependant, suite à une demande abondante de la part d’autres arrondissements, nous avons établis un tarif spécial majoré de 15 euros, mais continuons à privilégier les interventions de proximité afin de pouvoir établir de véritables liens entre nos Lulus et les habitants.
A terme, nous aimerions ouvrir un kiosque dans chaque quartier de Paris. L’équipe a reçu près de 220 demandes de citoyens et d’élus pour ouvrir des conciergeries à Paris, mais aussi en banlieue, en région (Marseille, Lyon, Lille, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Brest, La Rochelle …) et à l’étranger (Canada, Belgique, Suisse, Brésil, Italie…).
En bref, Lulu dans ma rue c’est ?
- Plus de 5500 demandes de services depuis 1 an dans le centre de Paris
- Un concierge de quartier présent au kiosque Place Saint-Paul tous les jours de 9h à 20h (même le samedi)
- Un suivi personnalisé de la prise de commande à la réalisation du service puisque nous appelons tous nos clients pour avoir un retour sur la prestation
- Des services de qualité 100% déclarés et assurés réalisés par des Lulus sélectionnés et formés
- 3 canaux d’accès aux services Lulu dans ma rue : via le kiosque, Place Saint-Paul, par téléphone au 01 73 74 89 52 ou par internet : luludansmarue.org
- 70 Lulus référencés à ce jour
- Et beaucoup de convivialité !
Retrouvez les sur leur site Lulu dans ma rue ou sur Facebook !
Vos réactions
Une idée formidable qui s’inscrit dans l’air du temps ! Merci et j’habite à Lyon, avez vous un kiosque ? Annecy??
Bravo et longue vie à Luludansmarue.
J’habite Lyon y a t-il des lulus ?
Après avoir pu apprécier les services rendus des LuLu à Paris que nous recommandons vivement, nous souhaiterions savoir si le concept existe dans le sud de la France dans les environs de Grasse.
Je recherche un kiosque lulu dans ma rue sur Lille au nord merci d’avance
LULU est-elle représentée à LYON
Merci
Pas de commentaire mais l’attente de votre réponse sur la representation à Lyon
merci