L’ouverture des chantiers au public : un premier pas vers l’urbanisme de demain ?
Avez-vous déjà mis les pieds sur un chantier d’aménagement urbain ? Si vous n’avez pas encore eu cette chance, les années à venir seront sans doute propices pour tester cette expérience particulière. De plus en plus de chantiers de construction ouvrent en effet leurs portes au public depuis un certain temps. L’objectif : désacraliser ces lieux fermés aux passants, et pourquoi pas inclure ses derniers dans la co-construction des projets urbains. Revue de presse d’une tendance qui pourrait bien changer les codes de l’urbanisme contemporain !
Le chantier démystifié ?
Tels qu’on les côtoie habituellement, les chantiers urbains représentent un univers bruyant, dangereux, et la plupart du temps inaccessible. Qui aurait en effet l’envie de se promener sur un champ de bataille où s’amoncellent câbles nus, gravats, tôle, déchets en tous genres. Le port du casque obligatoire sur ces sites incarne notamment leur caractère impraticable pour le chaland. De plus, un chantier – qu’il soit d’une durée courte ou très longue – représente une nuisance (sonore, pratique de la ville) des plus décriées par les riverains et passants…
Cependant, l’aspect secret de ces zones n’est pas sans attirer l’attention du profane. Car c’est bien là le point essentiel de l’exclusion des habitants de ces territoires en construction : ces derniers ne sont habituellement fréquentés que par les experts ! Pourtant, c’est belle et bien le terrain de vie (de jeu ?) des citadins qui se fabriquent dans ces immenses cellules barricadées…
Illégalement, il est depuis longtemps d’usage pour certains aventuriers de l’ombre d’aller se promener dans ces décors post-apocalyptiques du quotidien. Crapahuter dans les décombres d’une ville inachevée, escalader les échafaudages jusqu’au sommet d’un bâtiment bâché etc. représentent autant d’escapades nocturnes pratiquées par les passionnés d’exploration urbaine (“urbex”) et autres bandes de jeunes en quête de spots clandestins pour passer la soirée…
Réenchanter un lieu impénétrable
Que ce soit pour pallier cette pratique défendue ou simplement une nouvelle façon de communiquer pour les villes, on remarque qu’un nombre grandissant d’initiatives, activités, événements destinés au grand public sont organisées en lien avec les chantiers urbanistiques.
“Alors que les chantiers se multiplient et que leur durée s’allonge, l’acceptabilité sociale des travaux devient un enjeu des relations des élus municipaux à la population, car les nuisances qui lui sont infligées sont de moins en moins bien supportées. Parallèlement, la promotion des projets urbains et l’importance croissante des questions d’urbanisme dans le débat public suscitent un intérêt nouveau pour le chantier de la part des concepteurs comme de la maîtrise d’ouvrage publique.” Florine Ballif, “Chantiers ouverts au public” sur Métropolitiques (2015)
En les rendant accessibles, l’idée est notamment de vulgariser un travail sur l’espace public en construction. Mais également de remettre un peu de charmes dans ces zones de désordre et de bruit.
Un exemple marquant : en 2015, la commune de Beauvais emmenait les enfants du club de sciences et nature d’un espace d’animation local sur le chantier de la place Jeanne- Hachette pour y enterrer une capsule temporelle ! On voit ainsi l’intérêt intrinsèque de la démarche (rendre attractif un lieu habituellement interdit au public), autant que son caractère séduisant pour un public enfantin (laisser une trace pour les futurs bauvaisiens et archéologues de demain).
Impliquer les habitants dans la construction de la ville
Mais ces initiatives vont parfois bien plus loin dans l’accueil des publics. L’article de Métropolitiques cité précédemment fait ainsi un inventaire non exhaustif de quelques cas notables de cette tendance émergente. A travers elle, l’invitation des publics sur les chantiers va plus loin que l’idée d’informer, montrer, faire visiter, vulgariser – comme cela a par exemple été poussé pendant les travaux du Forum des Halles à Paris.
Ainsi, des ateliers participatifs à destination des riverains s’organisent sur les lieux de fabrique de la ville. Au coeur de ces événements, on se réunit, on s’approprie les lieux et on co-produit. C’est le décor même du chantier qui est transformé dans certains cas : “Le Collectif Etc, pour ses très petits chantiers de construction de mobilier, supprime les barrières. Pour le Trans305, à Ivry, la palissade est considérée comme un objet artistique à part entière” – observe Florine Ballif. Ailleurs comme à Saint-Pierre-des-Corps, le chantier dédié à la rénovation d’une friche a accueilli conférences et concerts… Qu’il se meuve en véritable lieu culturel ou bien que l’urbanisme devienne l’affaire de tous, on ne manquera pas de suivre de prêt cette enthousiasmante tendance !
Pour aller plus loin :
- “L’art du chantier” – sur Métropolitiques
- “From Scaffolding To Private Skyscraper” – sur Pop-up City