Les Little Free Librairies : quand la ville spontanée recrée du lien social
Depuis plusieurs années maintenant, les bibliothèques à l’air libre font leur arrivée dans nos villes. Le concept est simple : au cœur de l’espace public, des espaces sont aménagés pour y déposer les livres que l’on aurait déjà lus et que l’on voudrait bien donner à qui le souhaite. Prenant différentes formes et s’adaptant même parfois au mobilier urbain délaissé, ces mini bibliothèques sont généralement fabriquées par des habitants et entièrement destinées à un usage basé sur le principe du libre-service. En résumé, pour emprunter des livres, vous n’avez nul besoin d’une carte de bibliothèque, il vous est simplement demandé de bien vouloir déposer ceux que vous avez déjà lus.
Un système basé donc avant tout sur la confiance entre usagers, désireux de satisfaire leur prochain en échange de leur satisfaction personnelle. A partir de là, des collectivités se sont elles-mêmes lancées dans l’institutionnalisation d’une telle pratique et ont financé des boîtes, à l’image de la ville de Rouen en France. Parallèlement, plusieurs autres types de boîtes de partage urbain se sont développées dans certaines villes, à l’image de ces give-box que l’on a vu germer au Havre à la fin de l’année 2014. Que ce soit dans les jardins partagés comme à Berlin, ou au cœur de la ville comme à Genève, on peut retrouver ces boîtes d’échanges un peu partout dans le monde. Généralement des vêtements y sont disposés, mais ce sont toutes sortes de choses qui peuvent être échangées entre les habitants du quartier.
Alors si les bibliothèques favorisent l’accès à la littérature pour tous, il est évident que ces initiatives, autant les bibliothèques partagées que les givebox, reposent sur les principes du crowd et du share. Une tendance que les plates-formes d’entraides entre voisins (1,2…), qui se développent depuis quelques années en France, rejoignent évidemment.
Promouvoir la littérature
Mais d’où vient donc cette idée ? Qui est donc l’inventeur de ces bibliothèques en libre-service ? A l’origine, c’est un américain du nom de Todd Bol, qui, à l’automne 2009, décide de fabriquer une maison miniature en bois destinée à être installée devant son domicile. Comme un hommage à sa mère, une enseignante passionnée de littérature, il décide d’y entreposer des livres et de permettre à quiconque de venir les emprunter en échange des leurs. Devant le grand intérêt de ses amis et voisins, il décide alors d’en construire d’autres et de les placer un peu partout dans son quartier. C’est à ce moment qu’il discute des potentialités sociales d’un tel projet avec Rick Brooks, de l’Université de Wisconsin-Madison. Tous les deux voient alors dans ces “magix box” non pas seulement une manière de contribuer au développement du “do-it-yourself” aux États-Unis, mais une possibilité de promouvoir la littérature partout dans le monde et à moindre coûts.
Que ce soit Todd ou Rick, chacun souhaite alors apporter ses propres compétences à cette entreprise. Todd, artisan expérimenté, ou Rick, spécialisé dans le marketing social, voient alors tous les deux dans cette initiative les principes mis en œuvre par d’autres personnalités avant eux : Andrew Carnegie et Lutie Stearns. Le premier, célèbre entrepreneur américain spécialiste de l’acier aux États-Unis, crée un peu avant le 20e siècle, environ 2 509 bibliothèques publiques gratuites portant son nom, les Carnegie Libraries. Tandis que Lutie Stearns, jeune libraire de la fin du 19e siècle, vivant également dans le Wisconsin aux États-Unis, avait, elle, contribué à l’essor des “traveling little libraries”. Dans cette région entièrement rurale, où la majorité de la population vivait de l’agriculture et de la production fermière, et où l’on n’y trouvait que de petits hameaux disséminés, il n’était pas pertinent de construire des bibliothèques. C’est dans ce contexte que la jeune femme fit voyager des livres dans plus de 1 400 localités de l’Etat grâce à ses “traveling little libraries” qu’elle entreposait dans les lieux publics, telles que les bureaux de poste et différents petits commerces.
Inspirés par ces deux figures importantes de l’histoire des Etats-Unis, Todd et Rick avaient donc en tête d’inciter toujours plus de gens à construire ces petites bibliothèques gratuites et ce, partout dans le monde. Pour cela, l’objectif fixé pour le début d’année 2014, était de tisser un réseau de 2 510 mini bibliothèques gratuites disséminées dans plusieurs pays, soit une de plus que le nombre de bibliothèques gratuites construites par Andrew Carnegie. C’est au travers d’un site internet répertoriant l’ensemble des bibliothèques libre d’accès que l’élan pour la littérature en partage fut suscité. En effet, l’objectif fut bien vite atteint, puisque dès le mois d’août 2012, ce sont pas moins de 2 510 bibliothèques qui faisaient partie du réseau Little free library.
Partager du lien social
Aujourd’hui, alors que Litlle free library compte en tout plus de 25 000 mini bibliothèques dans son réseau, il y a fort à croire que l’attrait pour la littérature ne puisse pas être la seule raison de cet engouement planétaire. En effet, dans une conférence qu’il a donnée pour TedX Fargo, Todd Bol raconte que Jonathan Beggs l’un des nombreux propriétaires de Little Free Library, lui avait confié qu’en seulement trois semaines, suite à l’installation de sa mini bibliothèque, il avait rencontré plus de voisins que pendant les 30 années précédentes. A ce propos, nombreux sont d’ailleurs les propriétaires qui n’hésitent pas à installer un banc autour de leur mini bibliothèque. Rien de tel qu’un endroit pour se relaxer et prendre un instant de détente pour parcourir un ou deux livres, pour laisser un mot au prochain lecteur ou même pour engager la conversation avec un autre amateur de littérature…
A l’origine, il faut se rappeler que la première Little Free Library était la conséquence directe d’une perte, celle de la mère de Todd Bol. Les 25 000 mini bibliothèques et toutes celles qui ont aussi été construites en dehors du projet de Todd n’ont sûrement pas été construites comme un hommage à la mère de Todd, mais, ce qui est certain, c’est qu’aussi nombreuses qu’elles soient, toutes suscitent d’une manière spontanée des rapports humains et un tant soit peu de solidarité. La ville spontanée serait-elle donc avant tout humaine ?
Vos réactions
Moi aussi je suis obsédée par la construction d’une bibliothèque en hommage à mon père; il était instituteur, dans une zone rural (dans l’oasis au sud est du Maroc, mort en 1975)et le premier qui a considéré la scolarisation de la fille comme défis et un droit .
Il a eu toujours un livre sous le bras et essaye de partager ce qu’il lisait avec tout le monde .
Il faisait l’impossible pour initier les gens du » ksar » sa localité rural à la lecture et l’écriture
Il y’a 3 jours je suis arrivée à faire une exposition des livres pour lecture gratuite et pour avoir un livre gratuit il suffit de faire un petit résumé , une petite histoire ou un table de multiplication (sous le nom d’une association culturelle locale »
c’était vraiment inoubliable l’expression de joie sur les visages des petits enfants ou leur mère
Mon idée est de concevoir un projet mobile qui faisait le tour des écoles de la commune et un autre fixe à côté d’une source d’eau fréquentée par de nombreux visiteurs et leurs enfants.
Soit la lecture pour tous et n’importe où action qui peut être un pilier pour des activités économiques (agro-culture tourisme)