La ville a toujours été accueillante pour les animaux
Le docteur vétérinaire Jean-Michel Michaux a fondé en 2002 l’Institut Scientifique et Technique de l’Animal en Ville (ISTAV), une association qui dispense des formations pour intégrer au mieux les animaux dans le cadre urbain. Ce partisan d’une gestion éco-biologique de la présence de l’animal dans nos rues précise les enjeux soulevés par la cohabitation entre les citadins et la faune sauvage.
Depuis quand la biodiversité animale est-elle un enjeu urbain ?
Jean-Michel Michaux : Jusqu’à la fin des années 1990, la biodiversité urbaine ne posait pas vraiment de problèmes. Mais depuis une quinzaine d’années, les villes françaises abritent de plus en plus d’espèces invasives. La plupart des premiers spécimens arrivent de l’étranger en avion, plus ou moins par accident, comme c’est le cas pour la perruche à collier. D’autres viennent en tant qu’animal de compagnie, comme l’écureuil de Corée. S’ensuit un lent processus d’acclimatation à l’environnement urbain. Conséquence de l’arrivée de cette nouvelle faune, et des modifications de notre mode de vie, des espèces jusqu’alors bien installées en milieu urbain, comme le moineau, commencent à disparaître.
Le problème ne vient-il pas des citadins, qui nourrissent souvent ces espèces en dépit des interdictions ?
Le problème du nourrissage concerne plutôt les pigeons que les animaux exotiques. À l’ISTAV, nous avons réalisé cette année une étude comportementale sur les populations urbaines qui nourrissent les animaux. Il s’agit, le plus souvent, de pauvres, pour qui nourrir les animaux est quasiment une raison de vivre. Dans ces cas-là, les solutions classiques de répression sont inutiles, car les mêmes personnes nourrissent alors les animaux en cachette, parfois même chez elles…
L’observation récente de renards et de sangliers dans les villes françaises est-elle une menace ?
Attention, il faut bien distinguer ces mammifères des espèces invasives : le sanglier, comme le renard, ont toujours été présents sur le sol français. D’ailleurs, il faut bien avoir en tête que la ville a toujours été accueillante pour les animaux même s’il ne s’agissait pas des mêmes espèces. Elle a toujours constitué un biotope comme un autre. C’est simplement notre rapport à l’animal qui a évolué au fil du temps : selon les époques, l’homme a rendu le milieu urbain plus ou moins accueillant à certaines espèces. Pour en revenir au renard, il est clairement attiré par la nourriture et la présence de poubelles dans les rues. Il lui faut aussi des abris. Pour cette raison, il préfère plutôt s’implanter dans les zones pavillonnaires suburbaines.
La présence de cette faune sauvage en ville pose-t-elle des problèmes sanitaires ?
Chaque espèce soulève des problématiques sanitaires différentes. Et c’est grâce à une meilleure connaissance de la biologie des espèces que l’on pourra trouver des solutions aux problèmes posés par la nouvelle faune urbaine. Cela dit, il est vrai que plusieurs d’entre elles peuvent être porteuses de zoonoses, ces infections directement transmissibles de l’animal à l’homme. Mais d’après moi, si l’on reste dans un cadre urbain, le vrai problème se situe plutôt en amont, et c’est bien sûr la question de l’hygiène. Certes, le rat peut être porteur de la leptospirose (maladie infectieuse d’origine bactérienne, transmissible à l’homme), mais par les germes ubiquistes qu’ils portent, il pose un problème d’hygiène général.
Comment maîtriser le développement de la faune sauvage et des espèces invasives ?
Je ne suis pas du tout persuadé que la situation soit facilement contrôlable. Prenez l’écureuil de Corée, par exemple : voilà une espèce arrivée en France de manière a priori accidentelle, et qui est désormais bien implantée sur notre territoire. Elle s’est notamment développée dans la forêt de Fontainebleau, qui en abrite plusieurs colonies. Le problème, c’est que ces écureuils constituent de véritables réservoirs à tiques. Et qu’une tique qui a fréquenté l’un de ces animaux et s’accroche ensuite à la peau d’un humain peut transmettre à ce dernier plusieurs types d’infections, notamment la maladie de Lyme (également appelée borréliose)… D’autres espèces sont à surveiller de près, je pense notamment à la punaise de lit (qui ne transmet pas de germes infectieux, mais dont les piqûres sont extrêmement handicapantes) ou au moustique tigre, qui a envahi le sud de la France et remonte progressivement vers le nord du pays par les grands axes routiers. Ce moustique est susceptible, à l’avenir, de transmettre la dengue ou le chikungunya.
Les villes françaises ont-elles pris la mesure des enjeux sanitaires et sécuritaires posés par la cohabitation entre l’homme et la faune sauvage ?
Les collectivités locales s’occupent beaucoup plus des questions de biodiversité qu’auparavant. Quand elle voit un renard débarquer dan ses rues, une municipalité s’inquiète forcément ! En fait, la mauvaise réponse, à l’échelle d’une ville, consiste à faire disparaître une espèce sous prétexte qu’elle crée des nuisances. En agissant ainsi, on appauvrit un peu plus la biodiversité. Cette méthode est surtout dramatique pour l’être humain : plus la diversité animale se réduit, moins il est possible de trouver un équilibre biologique. Et l’absence de biodiversité laisse le champ à certaines espèces, qui peuvent alors être plus invasives que jamais. Mieux avoir une grande biodiversité produisant de légères nuisances.
Vos réactions
Je suis aux Clayes sous Bois dans les Yvelines et dans les arbres du parc du châteaux nous avons pu voir une vingtaine de perruches vertes pendant plusieurs jours .
Cela et il normal ?