Groundhopping, quand le football épouse le tourisme local

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10 Juin 2016

Ça y est, l’Euro 2016 débute en France, et avec lui son cortège de touristes venus des quatre coins du continent pour supporter leur équipe. Mais ce grand raout du football – et son homologue mondial – est l’arbre qui cache la forêt du tourisme « footballistique ». Une pratique en plein essor et qui, à l’instar du tourisme des lieux de tournage, gagnerait à être mieux connue des Offices de Tourisme de France et de Navarre…

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Hong-Kong, le football au pied des gratte-ciels. Crédits : See-ming Lee – “Nighttime Football (Soccer) – Hong Kong Men in Sports”

Une typologie du tourisme footballistique

On distinguera pour commencer trois grands types de « tourisme » footballistique :

Le premier est le plus commun : il s’agit des matchs dits en déplacement, au cours desquels de supporters accompagnent leur équipe lors des matchs joués à l’extérieur. Un supporter de club peut ainsi effectuer plus d’une vingtaine de déplacements par saison, voire davantage pour les clubs jouant les compétitions continentales. Forcément, ça fait voir du pays ! Souvent effectués en groupe, les déplacements jouissent d’une organisation souvent bien huilée grâce aux associations de supporters. Il s’agit toutefois rarement d’une activité « touristique » à proprement parler, les conditions du déplacement étant le plus souvent réduites à l’essentiel…

Le second vient précisément de débuter, comme tous les deux ans ou presque : il s’agit en effet des grandes compétitions continentales ou internationales, telles que les Coupes du Monde ou les Championnats d’Europe, durant lesquelles les supporters d’une équipe nationale se rendent dans un pays hôte (le Brésil il y a deux ans, la France aujourd’hui, la Russie dans deux ans… auxquels il faudrait évidemment ajouter les compétitions féminines, décalées d’un an). Ce séjour est l’occasion de suivre au stade quelques matchs de leur équipe, ou à défaut de profiter sur place de cette ambiance festive… mais aussi de découvrir le pays en question, et donc d’allier les plaisirs du « supportérisme » avec une activité touristique plus « classique » (visite de musées, plage et soirées, etc.). Cette dimension fondamentalement touristique ayant déjà été largement étudiée, notamment en termes de retombées économiques pour les villes hôtes, nous n’y reviendrons pas ici.

Groundhopping, le football comme destination touristique

Le troisième est une pratique plus émergente, qui nous intéressera plus spécifiquement dans la suite de ce billet : on désigne en effet sous le terme de “groundhopping” le déplacement de spectateurs à travers les stades du globe, non pas pour supporter l’une des équipes en jeu, mais simplement pour découvrir l’ambiance de certains clubs ou stades reconnus dans le milieu. Comme l’expliquait merveilleusement un article de Slate.fr sur le sujet :

« Chaque semaine, plusieurs centaines de milliers de supporters de football se retrouvent dans les pays du monde entier pour assister à des matchs. Au milieu de tout ce monde, des spectateurs ne sont pas là pour encourager une des deux équipes présentes sur le pré, mais pour découvrir un stade et une atmosphère qu’ils ne connaissent pas et apprécier le spectacle visible dans les travées. Ces personnes-là, très souvent issues du mouvement ultra [les supporters les plus zélés], font du groundhopping. Contraction de ground («terrain») et de hopping («sautant»), le groundhopping est le fait de « se déplacer pour aller voir des matchs dans des stades où l’on n’a jamais été », explique Rémi, 26 ans, ancien ultra du PSG et groundhopper.»

Car oui, l’adepte du “groundhopping” est baptisé “groundhopper”. Cette figure du touriste émerge au croisement de deux conjonctures contemporaines : l’essor d’Internet, comme l’explique Slate.fr, a permis de faire connaître l’ambiance de certains clubs et stades sur les blogs et réseaux sociaux ; et bien évidemment l’essor des transports low cost ces dernières années, qui facilitent l’organisation de déplacements spontanés et peu coûteux.

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Détour champêtre dans l’arrière-pays gallois. Crédits : grassrootsgroundswell – “Churchstoke v Builth Town”

Le groundhopper n’est pas un fan comme les autres

Mais à la différence des supporters en déplacement évoqués ci-avant, le groundhopping se pratique plus souvent en petits groupes d’amis, voire même individuellement. Surtout, puisque l’ambition n’est pas de suivre une équipe spécifique, le groundhopper est souvent volage. Alors qu’un supporter de club rentre généralement dans sa ville d’origine dès la fin du match, le groundhopper organise son séjour sur plusieurs jours, butinant d’un stade à l’autre en fonction de l’ambiance ou simplement des transports disponibles… Comme l’expliquait un groundhopper allemand :

« Il y a toujours un peu de tension, parce qu’un tour n’est jamais planifié à 100 %. Il faut toujours improviser pour trouver une solution quand on tombe par exemple sur un match annulé ou que le dernier train vous passe sous le nez. Évidemment, c’est toujours bien de pouvoir voir des derbys [matchs opposants deux clubs voisins] ou des matchs du genre, car il y a toujours une atmosphère particulière. Mais sur des tours de plusieurs jours, on ne peut pas avoir uniquement des matches de ce type. Il faut faire attention à ce que la distance entre les villes ne soit pas trop importante et si on peut voir deux ou plus matchs dans la journée. »

Une pratique qui l’amène généralement à s’immiscer dans les tréfonds des divisions moins populaires, souvent non-télévisées. On prendra l’exemple de cet étudiant ayant profité de son séjour de deux mois en Allemagne pour assister à une dizaine de matchs de l’ex-RDA : un prétexte comme un autre pour mieux comprendre ce territoire à l’Histoire si spécifique ! Ou celui de ce photographe belge, qui a visité près de 400 terrains à travers la seule Belgique… On imagine qu’il n’a pas vu que des stades flambants neufs ! D’autres au contraire se focaliseront sur les stades les plus mythiques, que ce soit au niveau de l’ambiance ou de l’architecture. D’autres enfin en profitent pour goûter les saveurs locales, alliant ainsi les émois sportifs aux plaisirs de la bouche. Bref, tous les goûts sont dans la nature !

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Quand le groundhopping épouse l’urbex, aka la passion des ruines urbaines. Crédits : AMISOM Public Information – “A Ugandan soldier walks across the former football pitch inside Mogadishu National Stadium”

Le foot est-il soluble dans le city branding ?

On le comprend aisément, le groundhopping est donc une pratique touristique en soi, souvent hors des sentiers balisés. Les villes peuvent-elles en tirer parti ? A la différence des grands rassemblements sportifs qui, par définition, ne concernent généralement que les grandes villes, le groundhopping s’adresse en priorité aux villes de taille plus modeste. L’avantage du football, c’est que chaque commune du globe ou presque possède un terrain, un club, et une histoire qui s’y rattache. Les Offices de Tourisme pourraient-ils y trouver leur compte ? Certes, le groundhopping reste une pratique de niche ; en outre, les amateurs de football sont encore perçus avec une certaine défiance par les autorités publiques, quand bien même il ne s’agit pas ici de supporters violents.

Toutefois, on peut penser que les matchs d’une ville gagneraient à être mieux valorisés, non pas seulement dans le journal local mais aussi pourquoi pas directement sur les forums dédiés à cette pratique. On pourrait ainsi imaginer la création d’une association de « villes d’accueil pour groundhoppers », à l’image des fameuses associations rassemblant les « plus beaux villages de France » et autres « villages fleuris »… Certes, on rêve un peu, mais après tout pourquoi pas ? La mode est au tourisme alternatif, et les grands rassemblements sportifs s’avèrent souvent bien trop coûteux pour profiter au plus grand nombre. Alors, s’il se glisse parmi vous un ou une élu€ souhaitant durablement installer sa commune dans l’imaginaire sportif, gageons qu’il trouvera face à lui un public averti et intéressé… Une poignée de touristes en plus, c’est toujours ça de pris !

 

Pour aller plus loin :

  • Il est intéressant de constater que le groundhopping s’inscrit comme alternative au coût faramineux des grands rassemblements sportifs, dont nous avions critiqué la gabegie dans ces mêmes colonnes, peu après le Mondial brésilien…
  • Pour les yeux, on se délectera du portfolio de Jurgen Vantomme à travers les terrains de Flandres et de Wallonie
  • Les sites recensant les stades les plus étonnants du monde sont légion (exemple ici), nul doute que vous trouverez votre bonheur si vous souhaitiez devenir groundhopper. Certains stades construits à flanc de falaises ou de montagne, tel que celui de Braga par exemple, offrent ainsi des vues spectaculaires qui raviront même les moins passionné(e)s d’entre vous !
{pop-up} urbain
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