Free-floating et vélos en masse : Comment les villes réagissent

Quand les vélos montent aux arbres
14 Mar 2018
Une vue aérienne d’un des nombreux cimetières à vélos

Une vue aérienne d’un des nombreux cimetières à vélos chinois à Hefei
©BARCROFT MEDIA VIA GETTY IMAGES

Cette photo n’est pas une œuvre d’art contemporain ! Elle a été prise en Chine, dans la ville de Hefei où des parkings à ciel ouvert servent de lieux temporaires pour l’entassement de vélos abandonnés ou endommagés signalés par les habitants. Ils sont de plus en plus fréquents dans le pays depuis le déploiement du vélo en libre-service flottant (“free floating”).

Dépassées par ces phénomènes, les autorités n’ont pas d’autres choix que de laisser les vélos abandonnés dans ces espaces vides autour de la ville, créant ainsi des cimetières de carcasses d’une ampleur vertigineuse. Et en ce qui concerne la responsabilité des entreprises de vélos en libre-service, elles s’en déchargent bien vite en ne réclamant pas leurs bicyclettes, craignant au cas où elles le feraient, des poursuites ou une amende ! Autre conséquence malheureuse, les habitants partagent sur les réseaux sociaux des photos de vélos abandonnés dans les rivières ou même en haut des arbres.

Quand les vélos montent aux arbres

Quand les vélos montent aux arbres ! ©WEIBO

Quand les vélos montent aux arbres

Quand les vélos montent aux arbres ! ©WEIBO

Deux principales raisons à ces débordements : d’une part les nombreuses start-up de vélos en libre-service se livrent une compétition pour attirer la clientèle cycliste de la ville en inondant les rues de leurs vélos colorés ; d’autre part le prix forfaitaire n’encourage pas les usagers à prendre soin de ces vélos. Ce retour d’expérience a permis à la Mairie de Paris d’anticiper ce type de débordement. Elle avait donc reçu les nouveaux acteurs du vélo libre-service afin d’encadrer les pratiques. D’ailleurs, pour éviter ces situations, Gobeebike et Ofo avaient annoncé ne pas vouloir installer trop de vélos sur l’espace public.

Pourtant, Gobee.bike c’est déjà fini ! La société de vélos en libre-service met fin à son expérience à Paris et en France. L’expérience courte s’explique par la vague de vandalisme qu’a subi la flotte déployée. En l’espace de quelques mois, la quasi-totalité de leurs bicyclettes ont été endommagées, détournées voire privatisées, de trop lourdes pertes pour la jeune entreprise basée à Hong-Kong. Un malheureux constat qui était à prévoir au regard des vandalismes fréquents déjà constatés pour les Vélib’ parisiens, pourtant mieux sécurisés par leurs attaches aux bornes.

Au regard de l’expérience chinoise et parisienne, il semble évident que même si les bonnes volontés municipales existent pour réintroduire l’usage du vélo en ville, l’apparition du free-floating et ses conséquences bien néfastes prouvent que les villes ne sont pas prêtes. Dès lors, quelles solutions  elles mettent en place aujourd’hui afin de rattraper leur retard ? Quelles actions prennent vie pour prévenir l’occupation excessive des vélos sur l’espace urbain ou éviter le vandalisme et le débordement de vélos endommagés ?

Paris planche sur l’encadrement de l’occupation de l’espace public par les vélos en “free floating” :

Éviter l’envahissement de l’espace public par les vélos en libre-service flottants, telle était l’inquiétude de la Mairie de Paris suite au développement de ces nouveaux services de mobilité. Fin 2017, elle a ainsi déclaré vouloir mettre en place une « redevance pour occupation commerciale de l’espace public ». Vigilante, elle souhaite encadrer ce phénomène afin d’empêcher qu’il devienne invasif. La ville cherche donc à s’assurer que le modèle économique envisagé prévoit maintenance et régulation et qu’il ne reporte pas sur la collectivité toutes les externalités négatives du service (récupération d’épaves, lutte contre le stationnement gênant, etc …). Son but est de protéger l’espace public en comblant le vide juridique et en formalisant cette occupation aujourd’hui informelle. La capitale a même prévu de proposer au gouvernement que la future loi d’orientation sur les mobilités définisse un cadre juridique adapté à ce nouveau type de service, avec l’instauration d’une licence d’exploitation pour les opérateurs.

SOS vélos cassés : de plus en plus d’ateliers et de services réparation en ville !

Tous les cyclistes vous le diront … un pneu dégonflé, un frein qui ne marche plus, cela arrive et bien plus souvent qu’on ne l’imagine ! Alors avec l’accroissement des vélos en ville, de nombreux services nouveaux voient le jour. C’est ainsi qu’on a pu assister à l’ouverture de nombreux ateliers de réparation. Certains d’entre eux proposent un principe d’auto-réparation comme par exemple Solicycle. Cet atelier niché dans un lieu insolite en rive de Seine dans la capitale, permet de réparer, louer ou acheter un vélo. Un salarié est toujours à disposition pour aider la réparation des vélos avec la mise à disposition d’outils sur place. Pour y avoir accès ? Il suffit d’adhérer à l’association pour seulement 16 euros par an et par famille, un abonnement qui fonctionne pour tous les ateliers franciliens.

Solicycle, un lieu insolite pour réparer soi-même son vélo

Solicycle, un lieu insolite pour réparer soi-même son vélo ! © François Grunberg / Mairie de Paris

Solicycle, un lieu insolite pour réparer soi-même son vélo

Solicycle, un lieu insolite pour réparer soi-même son vélo ! © François Grunberg / Mairie de Paris

Des lieux comme celui-ci fleurissent un peu partout dans les villes au sein desquelles les cyclistes sont nombreux. Ces ateliers de réparation ont d’ailleurs beaucoup de succès et fonctionnent souvent grâce à des bénévoles, selon un esprit collaboratif. C’est notamment le cas de la Cyclofficine dans le 20ème arrondissement de Paris qui voit son local exigu investi par une quinzaine de personnes régulièrement, si bien que certains retapent leur vélo sur le trottoir d’en face.

Sécuriser et sanctionner : l’expérience du Velib’ à Paris

Un Vélib’ jeté par-dessus bord

Un Vélib’ jeté par-dessus bord faisant sa réapparition dans la vase du Canal saint-martin ©AFP

La mise à sec du Canal saint-martin à Paris en Janvier 2016 avait mis à jour près de 100 carcasses de Vélib’. La capitale connaît donc bien la question du vandalisme depuis le développement de ce service de mobilité. La ville a développé avec JC Decaux (alors prestataire) et la Préfecture de Police différentes mesures pour prévenir ou réduire ce phénomène : les bornes ont été sécurisées avec des solutions anti-effraction et des serrures renforcées ont été installées. Certaines stations sont aussi équipées de vidéo-surveillance et des effectifs de police dédiés ont été renforcés.

Une campagne de communication contre le vandalisme a vu le jour dès le printemps 2013 : un dispositif de prévention nommé “Tu casses, tu répares”. Les jeunes concernés par ce dispositif, tous mineurs, ont suivi des stages de sensibilisation dans les ateliers de réparation Vélib’. Évaluée en 2014, 89% des délinquants accueillis cette même année n’ont depuis jamais refait l’objet d’une poursuite. Un taux de non récidive rassurant pour la Ville de Paris. Et un principe qui se répand puisqu’un même dispositif est développé à Toulouse depuis Juillet 2015 pour son service VélÔToulouse.

Halte au parking sauvage des vélos et au vandalisme : les villes développent les stationnements vélos !

C’est un fait, le manque de stationnements augmente le risque d’invasion de l’espace public par les vélos. Accrochés à tout ce que leurs locataires d’un trajet auront pu trouver comme poteaux, barrières ou autres balustrades, ils envahissent des espaces urbains non destinés à cette fonction, au risque que la situation devienne ingérable pour les services municipaux.

Cette situation a été observée à Amsterdam. En réaction à la saturation de ses garages vélos, la ville hollandaise a assisté au développement massif du parking sauvage dans ses rues. Même si cette situation crée un paysage assez charmant pour les touristes, le moindre point d’accroche (vélos, réverbères, ponts) est pris d’assaut par les vélos cadenassés. La ville s’adapte donc pour résoudre ce problème en prévoyant des aménagements progressifs afin notamment d’arriver à 17 500 places en 2020 pour le parking de la gare centrale.

Ainsi, pour prévenir le stationnement sauvage et le vandalisme, certaines villes développent des stationnements vélos à proximité des gares et autres endroits stratégiques de la ville. En France, c’est le cas de Grenoble, qui a installé deux silos à vélo à proximité de sa gare. Ils permettent aux nombreux cyclistes grenoblois de stationner en toute sécurité et d’avoir accès à une station de gonflage pour l’entretien de leurs vélos. Ces parkings proposent un système de racks (rails) à double étage qui permet de ranger les vélos sur deux niveaux pour économiser de l’espace. Innovation importante : le dispositif est sans effort pour l’utilisateur.


Silo innovant installé à la gare de Grenoble

En Espagne ou au Japon, certaines villes vont plus loin en installant des parkings enterrés. Une solution plus coûteuse mais qui permet de sécuriser totalement son vélo et de diminuer son emprise sur l’espace public. Le parking enterré espagnol nommé “Le Biceberg” est déclinable en différentes versions pouvant accueillir respectivement 23, 46, 69 et 92 vélos. L’avantage est qu’il garantit la sécurité du vélo dans un caisson à l’abri. Autre point attractif, car bien pratique, il laisse la possibilité d’y déposer ses effets personnels (casque ou sac à dos).

e Biceberg : pour un service intégré à la ville

Le Biceberg : pour un service intégré à la ville ! ©Biceberg

Le système fonctionne à l’aide d’une carte personnelle à créditer selon le besoin, et il faut moins de 30 secondes pour déposer ou récupérer son vélo. Des parkings Biceberg sont actuellement en fonctionnement dans plusieurs villes du nord de l’Espagne comme Saragosse ou encore Huesca.

Ce système est également très répandu au Japon, comme par exemple cet énorme parking à vélo futuriste à Tokyo.

On le voit donc, les villes s’adaptent doucement à la multiplication des vélos dans l’espace public à travers diverses mesures pour prévenir le phénomène du vandalisme et une possible occupation envahissante des cycles en ville.

Michel Anceau, de l’Association droit au vélo (ADAV) affirme qu’il y a deux freins à l’usage du vélo en ville : le sentiment d’insécurité sur les routes et la peur du vol. Les études ont montré que ce sont les cyclistes inexpérimentés qui sont majoritairement touchés par ces vols. Pourquoi ne pas envisager alors que les villes deviennent les fers de lance d’une sensibilisation active de ses citoyens ? Certes les aménagements sont indispensables mais l’organisation d’évènements ou d’interventions dans les écoles et les entreprises semblent essentiels pour prévenir le vandalisme et un usage chaotique du vélo.

De même, la problématique du stationnement sécurisé est une piste intéressante ! Il s’agirait de mieux connaître la pratique du vélo et de mener pour chaque ville une réflexion innovante sur ce sujet afin de rendre systématique l’installation de parkings adaptés. Pour l’instant les villes ne dégagent encore que peu de budget sur ces questions, investissant souvent prioritairement pour les voitures. On peut espérer qu’elles déploient davantage de solutions innovantes pour garantir la sécurité des vélos, et de ce fait, le confort des cyclistes.

LDV Studio Urbain
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