Fake cities : quand les façades factices fascinent
Dans ces colonnes, nous avons déjà évoqué diverses façons d’aborder les faces cachées des villes… C’est notamment le hobby des explorateurs urbains qui investissent structures abandonnées et autres interstices souterraines. Comme nous l’évoquions alors, ces escapades clandestines s’institutionnalisent, jusqu’à devenir la marotte de certains événements organisés par les villes elles-mêmes, voire d’une forme de tourisme dite “alternative”. Nous avions notamment examiné la tendance qui tend à ouvrir les chantiers urbanistiques au public, le temps d’une visite sécurisée.
Dans la continuité de cet intérêt pour les secrets urbains et la ville sous-jacente, on s’intéressera aujourd’hui à l’une de leurs manifestations couramment mise en avant par la presse de divertissement ou spécialisée : les bien nommées façades factices !
Le frontispice is a lie
Vous en avez probablement entendu parlé au détour d’une anecdote orale ou d’une lecture sur le Paris insolite, les façades factices sont des éléments de paysage urbain qui éveillent généralement la curiosité. Vous l’aurez compris, ces trompe-l’œil urbanistiques sont des édifices qui, en apparence reprennent les codes esthétiques et de construction des villes dans lesquelles ils s’inscrivent… Mais ils n’abritent ni habitants ni travailleurs ! Ce sont de fait des décors camouflant des appareils et infrastructures destinées au bon fonctionnement de la ville.
Le choix de “déguisement urbanistique” joué par la façade est ainsi adapté au style du quartier et de la rue d’accueil de ces bâtiments fonctionnels. Dans le palmarès parisien, on trouve aussi bien de l’immeuble haussmannien traditionnel que des bâtiments plus récents et assez insignifiants… De fait, on cite régulièrement le 145 rue La Fayette, qui suit la pratique remarquable du “façadisme”, c’est-à-dire que cette imposante bouche d’aération (rattachée à un tunnel du RER) se cache derrière une façade ancienne, construite en pierres de taille. A l’opposé, on pense inévitablement au 29, rue Quincampoix qui s’apparente à un mur peint en trompe-l’œil. Les huit fenêtres de ces quatre étages imitant la vie quotidienne en appartement possède un charme non moins apprécié des passants ! Ailleurs, comme au 58 Joralemon Street à Brooklyn, la façade imite un immeuble typique de la Grande Pomme. C’est à s’y méprendre, malgré l’aspect aussi mystérieux qu’inquiétant des vitres en miroirs revêtues par ses hautes fenêtres noir…
La ville fonctionnelle joue à cache cache
Comme évoqué précédemment, ces morceaux d’édifices plus ou moins factices dissimulent ainsi des éléments nécessaires au bon fonctionnement de la ville. Ils sont les rouages d’une grande machine que l’on maquille dans un souci d’esthétisme. Plus rationnellement encore, qui aurait envie d’avoir comme voisine une large cheminée d’aération recrachant l’air saturé des transports souterrains ? C’est également pour panser une réalité sanitaire peu séduisante que certaines grandes infrastructures sont étouffées de la sorte.
Pourtant, l’idée selon laquelle les villes que l’on arpente chaque jour emmurent quelques secrets plaît inévitablement aux habitants les plus attentifs et les plus rêveurs… Ce jeu de cache-cache urbanistique contribue inévitablement à la formation d’un imaginaire troublant, enfoui dans les espaces urbains de tous les jours. D’une part, il produit un récit sur les engrenages techniques de l’aménagement et du fonctionnement de la ville. D’autre part, il instaure le mystère en révélant l’existence d’une face cachée à découvrir par-delà les revêtements de nos bâtiments !
Pour aller plus loin :
- Faux Facades: Fake Buildings Hide Trains, Power & More, Web Urbanist, 2013
- Buildings That Don’t Exist: Fake Facades Hide Infrastructure, Web Urbanist, 2013
- A-Fresco, le site officiel du muraliste français Patrick Commecy et ses célèbres trompe-l’œil qui recréent des façades urbaines pleines de vie