Les Fabriques, une nouvelle centralité pour le nord de Marseille
Avec leurs usines, leurs grands hangars et vieilles fabriques, les anciens quartiers industriels, autrefois en périphéries des villes, font désormais partie intégrante des ensembles urbains qui ne cessent de s’étendre. Pourtant, souvent en déprise, ils nécessitent une reconversion ou une modernisation de leurs activités. Comment reconnecter ces quartiers à leur environnement limitrophe ? Comment en faire des morceaux de ville à part entière ?
Depuis quelques décennies, de nombreux projets émergent sur ces quartiers dans le but de les intégrer, d’en faire des quartiers comme les autres, tout en leur donnant une place nouvelle dans les villes. Toutefois, leur identité est très souvent une ressource. Villes, porteurs de projet et urbanistes cherchent alors à réinventer leur vocation initiale afin de transformer ces anciennes “périphéries” en véritables centralités. C’est d’ailleurs ce qu’il se passe actuellement au Nord de Marseille, où une zone industrielle, structurée autour d’un très grand marché aux puces très dynamique, fait l’objet d’un projet urbain d’ampleur.
Muter sans dénaturer ?
En 2015, l’Etablissement Public d’Aménagement Euroméditerranée lance le développement d’un “îlot XXL” de 14 hectares sur ce secteur en besoin de reconversion. Le groupement UrbanEra (Bouygues immobilier) et Linkcity remporte l’appel à manifestation d’intérêt et renomme le projet «Les Fabriques» en référence à son caractère économique prononcé.
De quelle manière conjuguer qualitativement l’urbain avec le développement économique ? C’est le principal défi que ce morceau de ville soulève. Car les quartiers Nord de Marseille sont parmi les plus pauvres de France et leurs habitants ont besoin de ces emplois. Même si le site possède très peu de patrimoine industriel remarquable à préserver, le projet s’appuie sur l’histoire du quartier marquée par les nombreuses fabriques artisanales locales (huilerie, savonneries, …) qui l’ont fait vivre. L’enjeu est de développer l’économie locale, de créer des emplois en insertion et de s’appuyer sur les forces déjà présentes comme le marché aux puces qui continue d’attirer pas moins de 50 000 visiteurs chaque semaine. Ce gigantesque marché est intégré dans le projet urbain afin d’en faire une centralité nouvelle. Attractives, ses activités économiques ont aussi un rôle social qui façonnent l’identité de ce quartier que le projet cherche à préserver, intégrer et réinventer.
Le plus grand makerspace de France pour réinventer le quartier !
Depuis Janvier 2018, un hangar de 3000 m² remis aux normes est investi par le collectif Make ICI. Nommée ICI Marseille, il s’agira d’une manufacture collaborative et une véritable fabrique urbaine destinée aux artisans, designers et à l’ensemble des makers. Dès Juillet, il accueillera l’ensemble de ces acteurs le temps qu’un bâtiment à cet effet soit construit. Tourné vers le do it yourself, cet espace proposera un parc de machines permettant de fabriquer tout type d’objets ou prototypes.
Depuis avril 2018, un hangar de plus de 3000 m² est investi par le collectif Make ICI. Nommée ICI Marseille, il s’agira d’une manufacture collaborative et une véritable fabrique urbaine destinée aux artisans, designers et à l’ensemble des makers. Dès Juillet, il accueillera l’ensemble de ces acteurs le temps qu’un ou des bâtiments à cet effet soient construits. Tourné vers le do it yourself, cet espace proposera un parc de machines permettant de fabriquer tout type d’objets ou prototypes.
Premier projet d’ampleur sur le quartier, il cherche à impulser la mutation fonctionnelle à venir et à accompagner le changement d’image en devenant le cœur de la fabrique urbaine et le moteur d’un urbanisme transitoire. Ce lieu se veut être le symbole du quartier à venir : lieu d’échanges, de solidarité et de renouvellement des modes de vie.
Ainsi, le hangar accueillera une “usine de créations collaborative et solidaire” qui mixera différentes univers à destination des makers et professionnels (FabLab, espace de coworking, etc.) avec pour ambition d’impulser une émulsion inventive et créatrice, mais aussi de développer à nouveau la production locale et les savoir-faire en s’appuyant sur le partage des savoirs et des compétences, ce qui servira le quartier autant que le rayonnement de Marseille. A ce propos, Martine François, co-directrice du projet des Fabriques, affirme : “nous nous sommes assurés que le projet sera porté par des locaux, déjà actifs à Marseille.” Le but est donc de développer l’économie locale. C’est la raison pour laquelle l’animateur du lieu qui a été choisi, n’est autre qu’un ingénieur local qui avait déjà constitué une petite communauté de makers à Marseille.
Accueillir de nouveau au cœur des villes ces activités de manufacture, de conception et d’artisanat, autrefois installées en périphéries, c’est donc le pari qu’une autre façon de fabriquer et de transformer la ville est possible.
D’une périphérie à une centralité pour les habitants
Les Fabriques c’est aussi un projet d’écoquartier, la proposition d’un réel lieu de vie, d’une nouvelle centralité qui certes intègre les activités déjà présentes, mais qui aussi créé les conditions d’un quartier moderne relié au reste de la ville, où il fait bon vivre et qui a su se réinventer pour correspondre aux besoins et aspirations actuelles.
Il faut dire qu’actuellement, sur les 14 hectares que couvre « Les Fabriques », seule la partie nord, qui comprend le marché aux puces et certains commerces, crée une certaine animation dans le quartier. Car aujourd’hui celui-ci est principalement constitué de zones d’activités. “On ne le traverse pas, il y a des conteneurs, de grands entrepôts, … Actuellement, ce n’est pas un lieu où l’on vit,” explique Martine François. Alors comment attirer de nouveaux habitants ?
Pour rendre attractif ce secteur, le projet propose une approche qualitative et durable pour en faire un écoquartier. Imaginez des rues actuellement traversées uniquement en voiture. Il s’agira de redonner une place aux mobilités douces et aux piétons en créant des voies cyclables ou piétonnes et des places publiques où il fera bon marcher ou pédaler.
Pour attirer une population variée (étudiants, familles, retraités), le projet proposera des logements adaptés à tous. L’enjeu est de créer un quartier qui soit résolument tourné vers l’avenir et qui anticipe les attentes des habitants de demain, en proposant un habitat écologique.
Ainsi, le quartier a été entièrement conçu en BIM (Building Information Modeling), autrement dit modélisé pour réaliser les études environnementales pour garantir davantage de confort. Le quartier prend ainsi pleinement en compte les contraintes du climat méditerranéen et de la proximité de la mer. Ainsi, les couloirs de vent ont été étudiés, les îlots de chaleur et l’ensoleillement des logements aussi, afin de limiter au maximum la création d’espaces surchauffés en été. De même, les logements sont éloignés des zones bruyantes présentes aux périphéries. Le site s’appuie aussi sur sa proximité avec la mer en bénéficiant d’un réseau de chaleur issu de la thalassothermie.
Mais au-delà de proposer un écoquartier écologique attractif, le quartier des “Fabriques” cherche également à répondre aux besoins des habitants en termes de services. En prolongement de l’esprit créatif et moderne impulsé par ICI Marseille, ce lieu renouvelé sera connecté, il proposera un centre de la mobilité, des jardins partagés, des lieux hybrides et même une conciergerie. Pour cette dernière, il s’agira d’un espace à la fois physique entièrement dédié à la vie locale et à la fois digital, qui mettra en relation les habitants autour de services et d’applications mutualisés. Les habitants seront par ailleurs accompagnés pour vivre le changement.
Ce futur écoquartier expérimente donc la ville de demain en s’appuyant sur l’économie d’usage, en créant des lieux de partage et en proposant un projet urbain inventif au service de ses habitants. Les “Fabriques” s’ancre dans l’existant et le réinvente pour créer une nouvelle centralité et être résolument tourné vers l’avenir.