Du Caire à Hong Kong : dénoncer la pollution des mers
Tandis que la crise des déchets atteint partout un seuil critique, le Musée des Sciences de Hong Kong accueillait jusqu’à hier une exposition itinérante mondiale dénonçant la pollution des mers. Marseille prendra le relais en tant que port méditerranéen. L’occasion de rappeler aux habitants des grandes métropoles concernées les enjeux du recyclage.
L’exposition itinérante « Out to Sea? The Plastic Garbage project » qui vient de se clore à Hong Kong, illustre le désastre écologique dont les océans sont le théâtre. Le projet a été initié par le Museum für Gestaltung de Zürich en 2012. Et c’est à la Villa Méditerranée à Marseille que la marée de déchets ira s’échouer à partir du 1er mars jusqu’au 23 avril 2016.
20 000 sacs plastique par seconde
Certains chercheurs parlent d’un septième continent entièrement constitué de déchets à la surface de l’océan Pacifique. La majorité des sacs plastique ne sont pas biodégradables et peuvent dériver pendant des dizaines voire des centaines d’années sur les océans. Pourtant, 600 milliards de sacs sont produits chaque année, soit 20 000 par seconde. La plupart étant jetés aussitôt utilisés, comment expliquer une telle production à l’aune de la pollution qu’ils représentent ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes, 15% seulement des déchets échouent sur les plages, portés par les courants marins. 70% coulent au fond des mers, le reste flotte à leur surface. L’exposition accueille une grande série de photographies qui rend compte de l’ampleur de la catastrophe mondiale en cours. Réalisées entre 2002 et 2012 par des professionnels et des amateurs, ces images démontrent que toutes les mers et tous les océans du monde sont concernés.
Encourager chacun à réduire sa consommation
La pièce principale de l’exposition représente l’équivalent de 15 secondes de détritus rejetés dans l’océan par l’activité humaine. « Cette œuvre montre également que le plastique libère des substances nocives transférées aux humains par la chaîne alimentaire » explique Wister Tui, l’un des commissaires. « En fin de chaîne, ce sont les humains qui en souffrent et nous espérons que cette exposition pourra sensibiliser le public au problème de la pollution plastique et encourager les gens à en réduire leur consommation. »
Le parcours de l’exposition propose une « archéologie du futur » et des éclairages sur le bioplastique. La notion de vortex de déchets fait l’objet d’un travail par l’artiste américain Jacob Magraw-Mickelson. L’exposition invite également le public à interagir, notamment avec l’installation « The Mermaid’s Tears » (les larmes de la sirène) : le visiteur doit réussir à identifier des particules plastiques parmi des grains de sable au moyen d’une loupe.
Les déchets plastique exposés ont été ramassés à l’occasion de différentes opérations de nettoyage, à Hawaii ou bien le long de la mer du Nord. Partout les mêmes objets : des brosses à dents, des peignes, des bouteilles ou des bidons.
Une programmation liée aux spécificités locales est proposée à chaque étape : en Suède, au Danemark, en Espagne, en Egypte, au Liban, au Maroc et dernièrement à Hong Kong.
L’ONG Hong Kong Clean Up rappelait à cette occasion que chaque jour « 16 000 tonnes d’ordures sont produites à Hong Kong, parmi lesquelles on dénombre 1,3 million de bouteilles en plastique et près de mille tonnes de sacs plastique. » Un paradoxe pour une des villes les plus développées d’Asie, voire du monde. Pour Lisa Christensen, cofondatrice de cette ONG, « la situation est vraiment préoccupante, » : la mégapole de 7 millions d’habitants approcherait du « point de saturation ». Selon les prévisions, les décharges de la ville pourraient être pleines d’ici 2018.
Cradle to Cradle
L’exposition a également fait escale au Caire. La mer Rouge, la Méditerranée et le Nil souffrent comme la Mer de Chine de l’accumulation des déchets. En cause, le tourisme de masse et la croissance de la consommation.
Dans ce pays comme en Chine, la population est très peu sensibilisée à l’écologie malgré l’ampleur du désastre écologique. L’exposition a le mérite de rappeler aux visiteurs qu’il existe des solutions. C’est le cas notamment de l’approche « cradle to cradle » (en français « du berceau au berceau »). Elle prône la création et le recyclage à l’infini de tous les objets, c’est à dire la fabrication de produits qui, au lieu d’aller du berceau à la tombe (cradle to grave), empruntent un cycle de vie circulaire continu allant du berceau au berceau (cradle to cradle). Pour l’architecte Steven Beckers, interviewé en 2013 par Demain la ville, il s’agit d’un « modèle économique, où la notion même de déchet est bannie au profit de cycles continus ». L’idée fait son chemin depuis les années 80 et méritait amplement un nouvel éclairage.