Commerce physique VS e-commerce : vers quelles hybridations ?
Quelle place occupera le magasin tel qu’on le conçoit dans le commerce de demain ? Ébauche d’un modèle uniforme qui commence tout juste à se dessiner.
Il est souvent question de guerre entre commerces physique et numérique, un mot utilisé au sein même du milieu, comme s’il ne pouvait en rester qu’un. A New York en janvier dernier, le Big Retail Show 2015 statuait sur l’inébranlable dominance du “magasin”, qui demeurera l’avenir du commerce. Cependant, nombres d’acteurs issus du web et devenus géants grâce à la vente en ligne continuent d’imaginer de nouvelles manières de s’implanter dans la ville. Explication des rouages d’un double modèle qui, d’ici peu, n’en fera probablement qu’un.
Deux approches pour un même client
La redistribution des cartes amenée par le e-commerce a forcé l’ensemble des acteurs traditionnels à se repenser. Ces structures, non adaptées à la vente en ligne, difficilement malléables, ont longtemps hésité avant de franchir le grand pas du web. Mais sur ce marché risqué, avec des pionniers devenus rois et une clientèle versatile par manque de temps, de praticité et de pouvoir d’achat, les acteurs physiques se devaient de proposer une alternative en ligne.
De leur côté, partis de presque rien, ces géants du web aux effectifs très réduits ont également pris du temps pour envisager des investissements à long terme en prévision d’une économie d’échelle. Presque comme s’ils ne pouvaient considérer leur monopole que de manière éphémère. Les importants coûts de livraison, notamment sur le dernier kilomètre, les obligeront néanmoins à reconsidérer le dernier maillon de leur chaîne de production.
A partir de là, si la guerre se poursuit, les treillis se confondent. Les deux modèles seront en effet contraints d’apporter les mêmes réponses aux besoins pluriels d’une clientèle unique.
Vers une porosité naturelle
Les acteurs classiques ont ainsi développé leurs propres plateformes de vente en ligne – très inspirée des systèmes existants, mais tout en gardant leurs prix standards. Par opposition à l’internet low coast, l’accent est ici mis sur la qualité certifiée de leur portefeuille d’offres.
Aussi, s’ouvrir au web est une chose, mais proposer les bons canaux de distribution en est une autre. Plus encore, c’est l’un des principaux déterminants de l’acte d’achat. Certains d’entre eux – à l’instar du drive qui connaît un succès inespéré (le consommateur achète sur internet et récupère en magasin) – sont propres au modèle de commerce physique. Mais dans beaucoup d’autres cas, les méthodes sont les mêmes pour les deux types d’acteurs.
Ingénieux, Comptoir des Cotonniers propose dans ses affiches publicitaires de flasher ses QR codes pour acheter en ligne.
C’est d’ailleurs cette même problématique d’acheminement qui a donné aux leaders du e-commerce leurs premières visibilités en ville. Le but était de trouver une alternative à la livraison au porte-à-porte de la Poste, sans aller jusqu’à s’offrir sa propre flotte de camions comme a déjà pu le faire Amazon. Un intérêt commun à celui du client, car bien souvent pour ces solutions simplifiées, les frais de port lui sont offerts. Parmi les méthodes de livraison groupée communes aux deux groupes, on retrouve notamment :
- les consignes (qui renaissent de leurs cendres),
- les distributeurs automatiques de type Amazon Locker,
- et les point relais.
Notons que pour ces derniers, les acteurs physiques et numériques deviennent complémentaires : pour les boutiques acceptant d’endosser ce rôle, c’est la promesse d’un flux constant de clients potentiels qui traîneront toujours un oeil sur leurs articles, le temps que le vendeur aille récupérer leur colis dans la réserve.
Nous n’énumérerons pas ici toutes les startups qui, comme Toktoktok, proposent des solutions d’acheminement diverses, des runners livreurs aux voisins “serviables”, notons seulement qu’elles s’adressent aux deux types d’acteur.
Mais plus que les économies postales, c’est bien par une volonté de réputation que le e-commerce est en passe de sceller son implantation dans les grandes métropoles. Dominatrices sur le web, ces sociétés souhaitent dorénavant assurer leur présence sur le territoire, une manière pour elles de se dévoiler enfin et de se rendre crédible en tant que nouveaux acteurs potentiels. Ce ne sont pour l’instant que de simples showrooms ou marketplaces, mais le succès com’ est déjà bien au rendez-vous.
Un modèle qui se dessine
Si la majorité des acteurs tente de jouer sur les deux tableaux, cela ne signifie pas forcément la mise en péril de l’un d’entre eux. De même, la multiplicité des canaux d’achat et de livraison pour un même produit ne témoigne pas d’une difficulté à trouver le modèle de demain. Il ne s’agit que d’une réponse à des attentes plurielles, voire contraires de l’ensemble des clients potentiels, en manoeuvrant à leur guise les différents leviers de vente. Et sur ce point, tous savent que la garantie d’un processus d’achat des plus satisfaisants est un pas de géant sur le chemin de la fidélisation.
Baljit Dail, CEO du leader mondial des solutions logistiques JDA Software, exposait ainsi au Big Retail show sa vision du smart store : “Tout proposer au client : lui permettre d’acheter en ligne et se faire livrer à domicile, d’acheter en ligne et récupérer en magasin, d’acheter en magasin et se faire livrer à domicile et, enfin, d’acheter dans un magasin qui se fera livrer par un autre magasin ». De ce fait, si l’on peut exclure l’idée d’un modèle unique de vente, il est fort plausible de voir émerger à l’avenir un modèle unique de commerce dans les secteurs concernés, sans distinction aucune entre société physique et numérique. Ce n’est qu’à partir de là que nous pourrons affirmer que le commerce a bel et bien réussi son tournant vers le numérique.