Comment rendre nos villes cyclables, rencontre avec J-P Charbonneau
Cette année, à Copenhague, le nombre de vélos a dépassé celui de voitures. La capitale danoise a récemment enregistré 265.700 bicyclettes en usage contre 252.600 voitures. Une première victoire qui découle d’une politique intensive en faveur du vélo en ville. Si les premiers usages du vélo ont été amorcés dans les années 60, le développement spectaculaire de son usage est en partie lié à celui du plan d’action pour les espaces urbains, le “Copenhagen Urban Space Action Plan”, initié dans les années 2000.
En France, les Plans Vélo et les aménagements en faveur du développement de cet usage émergent depuis quelques années. A l’échelle nationale, un Plan national d’action pour les mobilités dites actives a été lancé par le Ministère des Transports en 2014. Au sein des Métropoles, diverses initiatives incitatives émergent. Aujourd’hui, chaque ville possède son réseau de vélos en libre-service. Il y a peu, la Métropole de Lille offrait d’ailleurs 150€ à tout résident investissant dans un vélo.
Pourtant, notre usage du vélo reste timide et son développement lent. En effet, le taux de pratique du vélo ans la part modale reste assez bas en France, hormis Strasbourg qui culmine à 16% d’utilisation du vélo. Comment faire pour inciter une ville à se mettre au vélo? Comment faciliter la vie des cyclistes ? Quelles politiques adopter pour influer sur les comportements ?
Pour répondre à ces interrogations, nous avons rencontré Jean-Pierre Charbonneau, urbaniste, consultant en politiques urbaines ou culturelles. Entre 2003 et 2008, il fut sollicité en tant que consultant par la municipalité de Copenhague dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre du célèbre “Copenhagen Urban Space Action Plan”.
Pouvez-vous nous expliquer le rôle que vous avez joué vis-à-vis de la municipalité de Copenhague ?
J’ai été sollicité par Copenhague à la suite de la mission que j’avais eue pour la Ville de Lyon et le Grand Lyon dans les années 90. J’y avais été conseiller technique pour l’amélioration de la vie quotidienne des lyonnais, en repensant la conception des espaces publics, des transports, de la lumière, du végétal, de l’aménagement en général. Je conseillais les collectivités pour améliorer l’existant mais aussi élaborer une forme nouvelle de conception des projets à venir.
La transformation induite de Lyon a eu un certain écho en Europe et beaucoup d’acteurs de l’urbain sont venus visiter Lyon, dont la Directrice générale de Copenhague de l’époque, laquelle est par la suite venue me rencontrer. Son but était pour l’essentiel de travailler sur les espaces publics.
A Copenhague, les habitants avaient déjà un usage du vélo important : c’était déjà un mode de vie et 30% des déplacements s’effectuaient en vélo. En revanche, la ville n’était pas très bonne en termes d’aménagements des espaces publics, ni pour ce qui est de l’approche urbaine. Pourtant, en 1962, ils avaient fait parler d’eux en ouvrant la toute première rue piétonne mais depuis 30 ans, rien de majeur s’était passé.
J’ai donc commencé à faire ce que je fais dans chaque ville c’est-à-dire que je me suis intéressé aux modes de production des espaces publics, travaillant aussi bien avec les maîtres d’ouvrage qu’avec les maîtres d’œuvre. L’objectif politique final était de réintroduire la marche comme un élément de la mobilité à ce moment-là minoritaire. Il y avait bien des trottoirs mais ils étaient plus ou moins larges et les espaces publics étaient plutôt pauvres. Via le “Copenhagen Urban Space Action Plan”, nous avons réintroduit la pratique de la marche dans les projets de rues ou de parcours et nous avons engagé la réalisation d’espaces publics agréables et fonctionnels.
Quel est le rapport des habitants au vélo à Copenhague ?
Si j’ai pu leur apporter sur la conception des espaces publics, eux m’ont beaucoup appris sur le vélo. Les usagers à Copenhague ont une vieille culture du vélo datant de la période : fin des années 60/début des années 70. Son développement, au début, était un outil de contestation visant à obliger les autorités à écouter les revendications citoyennes. Ensuite, c’est devenu un mode structurel de déplacement en ville fondant les mentalités et les pratiques et intégrant tous les projets. Du coup, quand je suis arrivé au début des années 2000, il y avait des pistes cyclables dans toutes les rues. Avoir un vélo était déjà normal et n’avait rien de spectaculaire.
Ils m’ont appris beaucoup dans la manière de traduire dans les projets et les stratégies la place prépondérante accordée aux cycles. Bien sûr, dès lors qu’un projet naît, il y a des pistes cyclables. Mais en France j’ai pu constater que la logique était de penser l’accessibilité à un quartier en dimensionnant les voiries en fonction du nombre de voitures générées par le nombre de logements. A aucun moment on ne pense déplacements par rapport aux flux piétons ou cyclistes induits. Anticipant une mobilité automobile, on construit de grosses infrastructures pour les rendre possibles avant même d’avoir fait le quartier.
A Copenhague, le paradigme de base est tout autre. On part de la manière dont on voudra que le quartier vive et on décide de l’accessibilité que l’on veut promouvoir. A l’époque, 30% des déplacements s’effectuaient en vélo et pour la réalisation du nouveau quartier de Nordhaven, la décision politique a été de monter ce pourcentage à 50%. Et donc, au lieu de faire des autoroutes, des échangeurs autoroutiers, des infrastructures à destination des automobiles, ils ont travaillé de manière coordonnée sur la ligne de métro, la construction de pistes cyclables, la création de passerelles pour les vélos, très efficaces et très belles. La différence est que le vélo est un objectif politique.
Quel est le rôle des pouvoirs publics dans l’encouragement du développement vélo ? Quelles positions politiques incitent à l’évolution des pratiques ?
Pour répondre à cette question, je vais devoir faire un comparatif avec la France. A Copenhague, passer à 50% des déplacements en vélo relevait d’une politique déterminée avec des choix politiques, économiques ou encore écologiques. Le vélo est un élément de l’aménagement du territoire.
En France, certaines villes sont exemplaires comme Strasbourg et Rennes. D’autres villes se sont récemment lancées dans cette direction. C’est une bonne nouvelle mais ce n’est pas assez. A côté de vraies pistes cyclables confortables et efficace, comme il en existe quelques-unes à Paris, prenons l’exemple de la rue du Faubourg Saint-Denis. Quand vous la prenez en vélo, vous circulez à contresens des voitures sur un caniveau de 80 cm de large parsemé de trous et de tessons de bouteilles !
En France, nous sommes pour l’instant beaucoup dans les discours, bien moins dans les réalisations. C’est pour cela que je propose à certaines villes d’établir non pas des Schémas Directeurs mais des Plans d’Action Vélo. Les Schémas Directeurs donnent des orientations sur vingt ans. Ils aident à réfléchir mais bien peu sera réalisé, en partie parce que plusieurs mandats politiques passeront sur ces vingt années. Les Plans d’Action proposent des actions concrètes, immédiates, peu coûteuses et réalisables dans le temps d’un mandat politique.
Il est question de positionnement politique. On ne peut pas vouloir développer le vélo et continuer à développer la voiture ! Ce n’est pas possible. A un moment donné, il faut décider de diminuer l’un pour laisser de la place à l’autre. En diminuant les coûts liés à l’un, on peut augmenter l’investissement dans le développement de l’autre. Ce choix relève des politiques publiques, aujourd’hui encore trop dans l’affichage et pas assez dans le passage à l’acte.
A Copenhague, la municipalité a investi dans le vélo sans forcément avoir à réduire la voiture. En effet la ville n’a pas subi une période où la voiture a été reine. La voiture a été pensée autrement et le vélo privilégié. En France, les villes n’ont cessé de construire de grandes infrastructures routières depuis les années 60. Et même si cela commence à se calmer, des sommes astronomiques ont été dépensées. Un échangeur, son coût va de 1 million d’euros à 10 et parfois plus. Sa construction prend des années et à la fin on ne sait plus pourquoi on en avait besoin. Investissez l’équivalent sur une politique du vélo, vous ferez exploser son utilisation. L’endroit où on met l’argent est un choix politique, le développement des cycles aussi. Copenhague a fait ce choix. Ils ont développé des feux pour les vélos, des liaisons entre les rues, des parkings à vélos de quatre étages aux stations de métro : il a toute sa place en ville.
Dans quelle mesure la réintroduction du vélo en ville permettrait-elle de faire revivre nos espaces publics et de bénéficier d’une meilleure qualité de vie urbaine ?
Une chose est évidente, privilégier le vélo par rapport à la voiture permet de gagner de l’espace à vivre. Dans les villes, les espaces servent aux loisirs mais aussi aux fonctions urbaines. Si certaines doivent rester motorisées (je pense aux ambulances, aux pompiers, aux livraisons des commerces…) beaucoup de pratiques peuvent se faire en vélo. Il n’est pas nécessaire d’avoir une position radicale sur la voiture : nous devons la conserver. Mais il faut faire évoluer les situations en dépassant les slogans, en passant à l’acte. Chaque année, 40.000 personnes meurent du fait de la pollution. En cas de pics, on ne pourrait pas arrêter les voitures ? Anne Hidalgo a le courage de le dire et elle a raison : on ne peut pas continuer comme ça !
Dans ma rue, à Paris, il y avait beaucoup de passages et de stationnements avec des trottoirs de 40 cm. Nous avons créé une association pour retirer la voiture et redonner de la place aux autres modes, aux gens et au végétal. Après des négociations, la Mairie de Paris et la Mairie d’arrondissement nous ont suivis puis soutenus. Cela fait maintenant sept ans que la rue est piétonne. On a planté des bacs, organisé des fêtes avec les voisins. Les coiffeurs africains ont installé des tabourets, les enfants jouent, au bout de la rue, de jeunes migrants mineurs hébergés dans un foyer jouent au foot quand ils ont un temps libre. Les commerces se font livrer en voiture au bout de la rue. Tout le monde est content, et alors que l’association portait les événements et les actions au départ, la rue vit à présent d’elle-même.
Avec l’espace gagné, on peut faire beaucoup d’autres choses. On peut mettre de la verdure, des activités ou tout simplement rien, laisser des bulles dans la ville. Regardez les berges de Seine, la Ville de Paris n’a pas fait d’aménagements somptuaires et pourtant ça marche. Il faut arrêter de brandir des slogans et passer à l’acte !
Vos réactions
Les passages sous-terrains pour piétons et cycles seraient une solution à de nombreux désordres, dans les carrefours et les giratoires.
Par exemple en préfabriqué béton vite mis en place et opérationnel, et cela éviterait tous ces ralentisseurs qui empoisonnent la vie des utilisateurs de la chaussée.
Marseille a reçu le clous rouillé ,part le manque de pistes cyclable 14 cm part habitant!! 1km de route goudronnée =0 de piste cyclable!ne nombreux procès part notre association vélosenville perdu(payer part contribuables) un sublime panorama de la corniche Kennedy de bord de mer en attente depuis de nombreuses années sécurisé une journée pour le tour de France ! 1million pour 2 km de chaussée ‘ vue dans 19 pays ,Capitale du sport 2017;route en très mauvais état ,manque de piscine, seule passion l’OM et le stade vélodrome;l circulation est très faible part le manque de sécurité sur la chaussée en vélo;pas de parking sécurisé; beaucoup de vol qui parte pour le Maghreb .Tout les fonctionnaires circulent en voiture avec chauffeur!a méditer