La cité Claveau, une cité-jardin à renouveler avec les habitants

La cité Claveau
17 Juil 2018

À la périphérie Nord de Bordeaux, entre le pont d’Aquitaine et l’ancienne base-sous-marine se trouve dans le quartier Bacalan, une réalisation urbanistique particulière : La cité de Claveau. Particulière, car la cité construite dans les années 50, est une cité-jardin. Typique de l’urbanisme de la fin du 19ème siècle en réponse au développement urbain industriel anarchique, la cité-jardin se base sur une construction peu dense de maisons et petits immeubles avec d’importants espaces communs, un esprit village sans la campagne en quelque sorte. C’est une forme urbaine peu courante dans le sud-Ouest de la France, ce qui rend la cité relativement exceptionnelle.

La cité Claveau

La cité Claveau ©Aquitanisphere.com

Ces logements construits pour répondre à une demande de logement grandissante, étaient au moment de leur construction dépourvus de finition intérieure et de chauffage central, si bien que les premiers locataires avaient la charge de les installer. Chacun a alors investi son logement différemment, à sa manière, en le transformant selon ses goûts et ses besoins, modifiant les espaces intérieurs, ajoutant des vérandas, embellissant leurs maisons, et ainsi chaque habitant s’est complètement approprié son lieu de vie. Mais aujourd’hui les logements sont anciens, à rénover. Et la cité Claveau, à l’esprit de village, est aussi désormais vieillissante par sa population. Par ailleurs, on le remarque par les nombreux espaces communs originellement prévus pour accueillir des aménagements partagés (jeux pour enfants, jardins…) qui sont délaissés depuis plusieurs années.

Pourtant, autour de la cité, de grands changements ont eu lieu ! Dans les années 60, le quartier a connu la construction du Pont d’Aquitaine juste derrière le quartier et la construction puis la démolition de plusieurs logements, notamment la Cité Lumineuse, un barre de 360 logements, démolie en 1997. Ces changements n’ont pas eu vraiment d’impact sur la Cité Claveau, qui est restée sensiblement la même, passant au travers des grands projets urbains durant des décennies, avec seulement un projet de rénovation à la fin des années 80 pour améliorer l’isolation les bâtiments.

Le tournant arrive dans les années 2000, avec l’arrivée du tram B qui a permis de relier le quartier au centre de Bordeaux. Mieux intégré à la ville, le quartier attire les promoteurs et la ville de Bordeaux met en vente des logements de la cité. Une petite partie de ces derniers sont achetés par des locataires, mais la grande majorité est acquise par l’office public de l’habitat de Bordeaux Métropole qui gérait déjà la location sur le secteur : le bailleur Aquitanis, chargé du pilotage opérationnel du projet urbain et maître d’ouvrage de l’auto-réhabilitation.

Ainsi, en 2014, près de 60 ans après la création de cette cité-jardin, le constat est clair : il faut moderniser la cité ! La ville valide un projet de renouvellement urbain qui propose la construction de quelques nouveaux logements, dont l’objectif est de permettre au quartier d’attirer de nouveaux locataires, puisque les habitants actuels sont très âgés. Il s’agit aussi de réhabiliter des maisons des années 50, tout en préservant l’aspect cité-jardin d’origine.

Alors naît un projet à l’aspect totalement inédit, puisque dans son exécution tous les acteurs du projet vont se retrouver dans le quartier pour décider ensemble de l’avenir de la Cité Claveau. Une méthode qui tranche avec la plupart des projets urbains et puise sa force dans un rapport nouveau entre les différents acteurs.

Ensemble pour améliorer l’existant

Comme évoqué, la cité nécessite de lourds travaux. certains logements sont encore dans leur jus d’origine, et cela depuis les années 50, n’étant donc quelques fois toujours pas équipés en chauffage central. Pour préserver leur qualité, la réhabilitation est indispensable, afin de les moderniser dans le but de maintenir des conditions de vie adéquates.

Habitants et aménageurs se rencontrent à Claveau

Habitants et aménageurs se rencontrent à Claveau ©Aquitanisphere.com

Mais comment rénover ces logements en intégrant les habitants ? Les architectes ont travaillé avec les locataires pour identifier les modifications apportées à chacune des maisons au fil des années. Un travail de fourmi qui demande du temps pour rencontrer chaque résident mais qui permet d’identifier les différences de chaque bâtiment et de s’y adapter ! Ainsi, habitants, bailleur/aménageur (Aquitanis), acteurs du projet urbain (GRAU, Trouillot & Hermel paysagistes, L’atelier raisonné, Ingérop), architectes (Construire – Nicole Concordet), bâtisseurs (Compagnons Bâtisseurs Aquitaine), collectivités (Ville de Bordeaux, Bordeaux Métropole) tous se réunissent pour améliorer la vie dans la cité ! Le projet va même plus loin avec l’intégration des résidents dans la démarche, puisqu’une des initiatives du projet est de former les habitants à la rénovation de leur logement en participant au travaux !

Par cette participation active, les aménageurs espèrent générer une solidarité dans le quartier en les invitant à participer aux aménagements dans d’autres maisons. L’idée est aussi que par l’auto-réhabilitation, on permette aux habitants d’apprendre à réhabiliter leur logement eux-même, ce qui garantit qu’ils sauront comment l’entretenir sur la durée.

Très liée à l’aspect social de la Cité Claveau, cette initiative intègre une population âgée, qui possède un lien fort avec leur logement. Les habitants disposent ainsi de temps libre pour participer aux activités proposée par les aménageurs.

Mais un tel investissement de la part des habitants est-il reproductible dans d’autres quartiers ? Car proposer une auto-réhabilitation demande une participation et un investissement très importants de la part des habitants, il faut donc que ceux-ci soient disponibles tout au long du projet et prêt à s’engager de la sorte.

En plus d’être une rencontre avec tous les habitants, la réhabilitation de la Cité Claveau est aussi l’occasion d’une rencontre entre une grande variété d’acteurs. Beaucoup des professions interviennent sur le projet, représentants de la mairie, urbanistes, architectes, ouvriers, paysagistes, tous issus de différentes structures et horizons. Ils se rencontrent dans le quartier et apprennent des autres corps de métiers. Un moyen utile de faire prendre conscience de toutes les professions qui travaillent sur un tel projet, ce qui est parfois difficile à observer tant les acteurs sont nombreux.

Une implication temporelle inédite

Par ailleurs, le projet pose une question très importante sur l’aménagement de la ville : l’implication dans le temps des acteurs. Car la manière inédite dont se co-construit le quartier demande à tous d’être présents du début à la fin pour se concerter, dialoguer afin de changer le quartier ensemble.

Le projet mettra 4 ans à se faire pour 245 maisons en rénovation ! Un travail minutieux et de longue haleine : bloc par bloc les logements seront réhabilités dans un circuit qui fera le tour de la cité. Ce temps long n’est pas forcément un désavantage, car pour exemple, la construction d’une pépinière au début du projet va permettre de fournir des plantes et des arbres pour les terrains durant l’avancement des travaux. Une sorte de réserve locale de végétaux destiné aux habitants.

Ainsi, même si le déroulement de la rénovation est moins rapide qu’un projet classique où les interactions avec les habitants sont limitées, cela permet de s’assurer de leur validation et aussi de leur implication dans le projet.

Les habitants participe à la plantation d’un potager dans la pépinière

Les habitants participe à la plantation d’un potager dans la pépinière ©Aquitanisphere.com

Ici les urbanistes, paysagistes, ouvriers, les promoteurs et la ville sont tous présents dans le quartier pour rencontrer sur toute la durée du projet les habitants et travailler ensemble sur son avancée. Le risque de ne pas aller vite est assumé pleinement afin de pouvoir faire selon les remarques de beaucoup d’habitants, dans le but final de garantir un projet qui va dans le sens de tous. Un fonctionnement très particulier puisqu’il n’y a pas d’imposition d’un plan directeur au départ du projet qui se dessine donc pendant sa phase opérationnelle, pour qu’à la fin, il soit le résultat des aménagements de la cité.

Mais attention, il ne s’agit pas ici de soumettre à l’avis des habitants l’ensemble du projet, comme une concertation classique. L’objectif est justement de ne pas avoir de grand schéma directeur et de travailler sur une échelle réduite, sur un terrain, une maison, un carrefour ou un espace délaissé.

Avec les habitants, anticiper le futur !

Former les habitants à rénover leur habitation, c’est leur donner les moyens d’éviter, et donc mieux prévenir, le vieillissement des logements ! C’est pourquoi les architectes du projet ont proposé aux habitants de prendre part à l’aménagement de leur habitation, dans une volonté d’investir sur le long terme.

Très loin des projets de bâtiments à grande échelle, qui modifient totalement les quartiers en seulement très peu de temps, le projet de Claveau reste à une échelle micro, celle du logement de chaque habitant, afin de travailler à la transformation progressive du quartier afin de tendre vers une nouvelle modernité, sans perdre son identité, et cela, par une rénovation progressive et l’ajout par petites quantités de logements.

Un espace de concertation est installé dans le quartier

Un espace de concertation est installé dans le quartier ©Aquitanisphere.com

Dans la continuité de ce projet inédit de la Cité Claveau, on peut donc se demander si la rencontre entre acteurs, avec les habitants, pourrait aller plus loin ? En effet, imaginer des lieux qui se rénovent logement par logement, pas à pas, avec une présence régulière de l’ensemble des acteurs, pourrait s’appuyer sur la rencontre, comme une dynamique permanente et nécessaire au projet urbain. Une logique de projet basée sur un retour régulier de différents acteurs dans chaque quartier s’inscrit donc selon les besoins de rénovation et d’aménagement.

Cela reste une manière d’aménager très éloignée de la réalité des grands projets urbains actuels, mais elle se positionne assurément comme une nouvelle façon de concevoir l’aménagement. Une réussite qui pourrait permettre à plus de projets urbains de s’en inspirer !

LDV Studio Urbain
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Vos réactions

thoraval
3 août 2018

Réhabilitation passionnante à observer…

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