Chauffer les villes avec des restes de repas ?
Énergie renouvelable produite à partir de matières organiques, le biogaz permet de recycler les déchets agricoles et ceux produits par l’industrie agro-alimentaire. Mais cette « énergie bio » a aussi un avenir en ville, vu la quantité de déchets alimentaires produits dans l’espace urbain.
L’énergie renouvelable est toujours issue d’une forme de recyclage. Mais dans la plupart des cas, le processus de transformation est invisible, impalpable, qu’il s’agisse de la force du vent, du rayonnement solaire ou de la puissance des marées. Le biogaz, en revanche, est une énergie renouvelable produite à partir de matériaux on ne peut plus concrets : les déchets organiques produits par l’agriculture, l’industrie agro-alimentaire et les collectivités. Du lisier porcin à la fiente de volaille en passant par la paille, le marc de café ou les boues des stations d’épuration, toute une gamme de matières premières disponibles en grandes quantités peuvent se transformer en biogaz pour produire au final de l’électricité, de la chaleur mais aussi du carburant.
Une fois traités, les déchets sont envoyés dans des digesteurs, de grandes cuves où se passe le processus de méthanisation : des micro-organismes dégradent les matières organiques qui, en l’absence d’oxygène, produisent le précieux biogaz. « Les infrastructures coûtent cher, mais la matière première est abondante et ne coûte rien. Elle peut même être payée, puisque la prise en charge des déchets peut générer un chiffre d’affaires de prestation de traitement pour l’installation », explique Yvan Tritz, ingénieur agronome et responsable projets chez France Biogaz, une entreprise basée à Strasbourg.
En matière de méthanisation, les pays d’Europe du Nord (Allemagne, Autriche, Danemark, Pays-Bas) ont un temps d’avance. Mais là où l’Allemagne fait pousser des cultures spécialement dédiées à la production de biogaz, la France a fait le choix de valoriser grâce à cette énergie toutes sortes de déchets organiques. C’est la mission que remplit l’usine de « cogénération » – produisant à la fois de l’énergie électrique et thermique – développée par la société France Biogaz sur le site de Craon, en Mayenne. L’usine est alimentée par les déchets des agriculteurs, des abattoirs et des communes environnantes, qui fournissent par exemple la tonte des pelouses municipales et de certains ménages.
Produire son biogaz ?
Si le modèle semble parfaitement adapté pour un site rural ou périurbain, peut-on imaginer à l’avenir produire du biogaz à grande échelle dans un centre urbain ? Verra-t-on bientôt les Européens suivre le modèle de la Chine, où des millions de ménages disposent d’une fosse couverte, dans laquelle les déchets organiques fermentent pour alimenter la gazinière domestique ? « Autant intégrer un site de méthanisation à l’échelle d’un écoquartier me semble possible, dans une logique de circuits courts, autant le compostage est une solution plus pratique à l’échelle d’un ménage », tempère Yvan Tritz.
L’ingénieur souligne en effet la nécessité de disposer de grandes surfaces pour épandre le « digestat », ce résidu de la fermentation qui dispose d’un important pouvoir fertilisant. Un argument plaide cependant pour une extension du recours au biogaz en ville : l’énorme quantité de déchets alimentaires produits par les restaurants, les supermarchés ou les hôpitaux.
En effet, les graisses alimentaires ont un « pouvoir méthanogène » bien supérieur à d’autres matières premières. En clair, elles permettent de produire plus de biogaz. « La collecte de ce qu’on appelle dans le jargon les « gisements diffus » est une vraie thématique d’avenir car tous ces établissements sont des gisements de petite taille mais très nombreux. Le problème aujourd’hui, c’est le coût de la collecte », note Yvan Tritz, qui avoue tout de même « connaître pas mal d’entrepreneurs qui réfléchissent déjà au meilleur moyen d’exploiter ce potentiel énergétique considérable ».