Brexit et City londonienne : quel nouveau visage pour un quartier d’affaires au sortir de l’Europe ?
À l’annonce du Brexit, de nombreuses capitales européennes, Paris, Bruxelles ou encore Amsterdam, ont voulu bénéficier de ce retrait économique. Peu à peu, les bureaux délocalisent, et les travailleurs expatriés quittent la ville pour repartir dans leur capitale d’origine. La City, cœur économique et poumon financier de Londres et de toute l’Angleterre, se vide. Les premiers indicateurs du phénomène ? La baisse du prix du foncier local et l’augmentation de celui des autres capitales européennes.
A l’échelle de Londres, la City, en plus d’être un quartier économique, est le cœur historique de la ville. Après s’être adaptée à la peste de 1665, au grand incendie de 1666, l’ancienne ville s’est transformée en l’une des places économiques les plus importantes à l’échelle mondiale. Un rôle, qui a contribué à l’évolution de son paysage, notamment avec l’arrivée de bureaux. L’annonce du Brexit, et le retrait des entreprises marque donc un coup d’arrêt, ou tout du moins, une évolution. Comment le changement de cette donne s’inscrit dans le paysage ? A quoi la City post Brexit ressemblera-t-elle ?
Le développement d’une place économique forte
La Cité de Londres, plus souvent appelée la « City », est le centre historique de la ville de Londres. Lorsque la cité romaine de Londinium a été bâtie en l’an 43 de notre ère, l’enceinte qui la protégeait est ce que l’on connaît aujourd’hui comme le « Mur de Londres ». Cette protection contre les envahisseurs de l’époque représente aujourd’hui le périmètre de la City. Ce centre historique et urbain était alors déjà le centre commercial du territoire, notamment grâce à son port fluvial bien développé pendant l’Antiquité. Au 17è siècle, la ville a pourtant été frappée par des événements dévastateurs mais dont elle s’est depuis relevée. La peste d’abord, en 1665, qui tua près de 20 % de la population de Londres. L’année suivante, en 1666, le Grand incendie de Londres ravagea une grande partie de la City et détruisit de nombreux bâtiments du quartier.
Aujourd’hui pourtant, la City est toujours debout, plus que jamais. Toujours en plein cœur de la capitale anglaise, la City est facilement repérable dans le paysage londonien, par ses gratte-ciels de verre et d’acier qui dominent la Cathédrale Saint-Paul toute proche. La City en est même devenue la première place financière dans le monde, devant les célèbres bourses de Wall Street à New York et de Tokyo. Principal centre d’affaires du pays et parmi les plus influents du Vieux Continent, le quartier londonien est principalement constitué de grands groupes d’envergure mondiale, notamment le siège social de banques influentes comme par exemple les géantes américaines Bank of America ou encore Goldman Sachs.
Aux yeux des citadins, le quartier d’affaires est aujourd’hui devenu un véritable symbole du monde de la finance en Angleterre et à l’étranger. Le quartier vit au rythme des horaires de bureau qui déversent quotidiennement les cols blancs par milliers en fin de journée avant de les aspirer de nouveau à chaque début de matinée. Les pubs avoisinants sont rapidement envahis par des groupes de femmes en tailleur et d’hommes en cravate. Bref, la City impose son tempo journalier à une ville dont l’économie repose sur les épaules de son quartier historique.
L’impact du Brexit sur les stratégies économiques
Mais depuis 2016, la stabilité de cette situation pose question auprès des spécialistes de l’économie. Après le vote favorable à la sortie de l’Union Européenne par la Grande-Bretagne, les grandes entreprises mondiales doivent adapter leurs stratégies financières et commerciales. En effet, l’idée de la part des eurosceptiques britanniques de quitter l’Union Européenne se pose depuis les années 70 et depuis l’intégration du pays dans la Communauté Économique Européenne (CEE). Depuis le 22 Juin 2016, cette sortie de l’Europe est désormais devenue officielle puisqu’une majorité d’anglais s’est prononcée en sa faveur : le Royaume-Uni quittera l’Union Européenne le 29 Mars 2019, à 23 heures.
Mais qui dit sortie de l’Union Européenne dit également perte des bénéfices et des libertés liées aux échanges physiques et commerciaux avec les autres membres du continent européen. Les entreprises et les groupes installés dans la City, en particulier ceux qui sont étrangers, perdent en effet dans le même temps leur « passeport financier » leur permettant d’intégrer les marchés européens. En ce qui concerne les grands groupes européens installés en Grande-Bretagne, il semblait donc important de reconsidérer l’emplacement de leur siège social au risque de perdre de l’importance sur les marchés. L’objectif serait donc de relocaliser ces sièges affectés par le Brexit dans d’autres places fortes économiques européennes.
Mais que signifierait alors ce départ de grands groupes depuis le quartier financier le plus puissant du monde ? Quel en serait l’impact dans la construction de la City, de son organisation et de son fonctionnement ?
Quel avenir pour la City ?
Les experts de la Banque d’Angleterre ont ainsi estimé que jusqu’à 75 000 emplois pourraient être perdus par le quartier de la capitale anglaise, dont 40 000 banquiers d’affaires ! Nous risquons donc de voir une grande vague de délocalisations en direction d’autres villes européennes, comme Paris ou encore Francfort dont la puissance économique se situe devant la France et est l’une des plus importantes d’Europe. Et ce constat se fait ressentir sur le logement environnant ces quartiers financiers. Si l’attractivité fait grimper le prix du foncier à Francfort par exemple, à cause de l’augmentation de la demande par rapport à l’offre, la valeur des biens londoniens perdent quant à eux de la valeur sur le marché, au même titre que la livre sterling.
On observe alors déjà les prémices d’un exode lié au Brexit dans plusieurs grandes villes européennes. Les experts sont d’accord pour affirmer que la sortie de l’Union Européenne aura un impact – plus ou moins limité selon les avis – sur le paysage de la City. Et si les grandes tours du quartier commencent à se vider peu à peu, que deviendra le tempo jusqu’alors donné par ce cœur urbain qui stimule la ville ?
Un scénario catastrophe ?
En cas de scénario catastrophe, c’est-à-dire dans le cas où les bureaux commenceraient à se vider comme un effet boule de neige à cause de la délocalisation progressive des entreprises qui y sont installées, que deviendrait le visage de la City ? Selon nous certainement pas de paysage abandonné digne d’un film apocalyptique, mais au contraire une probable réorganisation des usages urbain, architecturaux et sociaux de ce quartier central de la capitale britannique.
En ce qui concerne les locaux vidés, nous pouvons par exemple imaginer une reconversion des lieux, en faveur de la demande locale. En particulier, il pourrait être intéressant d’en profiter pour augmenter l’offre de logements dans le centre de Londres, qui est largement en deçà de la demande actuelle et qui est la source d’une forte pression foncière. Conférer à ce quartier une nouvelle dynamique liée à l’apparition d’habitants métamorphoserait profondément les usages et les rythmes de la City. Les pubs aux alentours n’en seraient par exemple plus uniquement rythmés par les horaires de bureaux, et nous pourrions imaginer les espaces publics investis plus intensément sur l’ensemble de la journée, animés par les jeux des enfants ou par les curieux venus se reposer à l’ombre du nouveau parc urbain…
Un autre rythme donc, une autre manière de vivre la City serait probablement le résultat du pire scénario que pourrait connaître le quartier d’affaire londonien. Ce qui ne semble finalement pas si catastrophique que ça… D’un quartier d’affaires qui véhicule une image entièrement liée à un monde de bureaux, la City pourrait ainsi devenir un quartier mixte dans lequel les usages de chacun pourraient rythmer l’ambiance quotidienne.
Mais en réalité, les experts misent plutôt sur une perte d’emplois limitée dans le quartier. Ce qui en fin de comptes n’aurait pas un impact excessif sur le visage de la City. Mais quoi qu’il en soit, il est intéressant de considérer ces modifications d’usages, ce nouveau tournant dans l’histoire du pays comme un axe de réflexion pour développer le Londres de demain et répondre aux besoins de tous.