Bordeaux : Réinvention patrimoniale et open-data pour plus d’appropriation habitante

tramway de Bordeaux
15 Nov 2017

Une ville française (mais une ville qui n’est pas Paris !) a été sacrée l’année dernière, LA ville à visiter en 2017 : Bordeaux ! Cela avait de quoi surprendre, surtout que cette nomination venait de l’un des guides de voyages les plus connus au monde, le Lonely Planet.

Parallèlement, en 2012, la ville de Bordeaux ouvrait ses données au grand public. Comment ces deux éléments sont-ils liés ? Est-ce que l’Open Data a permis d’apporter une plus-value en termes de confort et de qualité de vie à ses habitants ? Qu’est-ce que le guide le plus connu au monde, a-t-il bien voulu mettre en avant dans cette nomination et comment cela se recoupe-t-il avec la volonté de la cité girondine de se réinventer en libérant ses données ?

 

Une ville au patrimoine historique et architectural exceptionnel

Le 28 juin 2007 à Christchurch en Nouvelle-Zélande, l’Unesco inscrivait Bordeaux, sur la liste du patrimoine mondial protégé. Le jury de l’organisation internationale primait alors un « ensemble urbain exceptionnel » d’un périmètre de 1 810 hectares. Cette nomination était une première dans l’histoire des distinctions remises par la Commission du patrimoine mondial de l’Unesco.

Protégé par l’Unesco depuis 2007, la cité girondine et son patrimoine architectural ont donc depuis cette époque une côte importante en France, mais aussi et surtout à l’étranger. Ce patrimoine est aussi le fruit d’une histoire, celle d’une ville qui représentait au XVIIIe siècle, l’une des plus grandes places commerciales européennes. Bien sûr le vin était une des denrées locales qui s’exportait le plus hors des frontières, mais la ville était aussi un point d’entrée dans la métropole pour les colonies françaises. De plus, Bordeaux était alors aussi et surtout un point de sortie. Spécialiste dans l’importation de marchandises provenant d’Europe du nord, le port bordelais réexpédiait toutes ces marchandises vers les colonies françaises.

carte de bordeaux

L’inscription de Bordeaux au Patrimoine mondial de l’UNESCO © bordeaux.fr

 

 

Mais un fait important, bien que n’entrant pas dans le glorieux passé de la ville portuaire,  survenu le 16 janvier 1716, vient renforcer le statut de Bordeaux comme l’une de plus grandes places commerciales européennes et aussi et surtout comme une ville qui s’enrichissait au fil des années. A cette époque, une lettre patente du Roi autorise Bordeaux, Rouen, La Rochelle, Nantes et Saint-Malo à pratiquer la traite des esclaves. Dans le même temps, le commerce colonial explose et le port girondin est l’un des premiers exportateurs de café, de sucre, de cacao ou encore de coton. Les colonies ne sont pas les seules destinations, puisque ce sont aussi les Amériques, le Canada, l’Afrique mais aussi l’Inde ou même la Chine qui sont visés à l’époque par les négociants. Ainsi, en 1789, Bordeaux devient le premier port français et le deuxième port du monde après Londres.

Cette histoire commerciale provoque inévitablement un essor économique de grande ampleur. Parallèlement l’industrie bordelaise se développe, au premier rang desquels les constructions navales. Ainsi, au début des années 1800, les Intendants de Bordeaux multiplient les opérations d’urbanisme. Alors que les remparts existaient encore à cette époque, les autorités locales souhaitaient rompre définitivement avec cette image moyenâgeuse. C’est dans cette optique que la Place Royale (actuelle place de la Bourse), les places Gambetta, de la Victoire, Bir-Hakeim, ou encore la place Tourny sont dessinées.

A cette époque, à l’image de ce qu’il se passait à Paris sous la direction du Baron Haussmann, les cours et les allées sont percées, les promenades bordelaises sont tracées, les portes et les fontaines érigées et les architectes de la ville imagineront des bâtiments somptueux tels que le Grand Théâtre, le Palais Rohan et les fameux hôtels particuliers girondins.

 

Une ville qui s’est réinventée à partir d’elle-même

C’est donc avant tout ce patrimoine exceptionnel qui a été ciblé par l’Unesco en 2007, puis en 2016, par le Lonely Planet. Mais en ce qui concerne le guide de voyages, c’est surtout la capacité de la ville girondine et tous les efforts déployés par la municipalité, qui furent salués. Bordeaux a su «se réinventer». L’«impressionnante transformation des berges de la Garonne» fut grandement saluée ainsi que le développement de la rive droite, là où «le futur de Bordeaux […] s’écrit, avec des constructions et des aménagements soucieux du paysage urbain».

Mais si le guide de voyage a fait de Bordeaux, LA ville à visiter en 2017, c’est aussi parce qu’elle est devenue propice à la flânerie, à la visite, à la promenade. Et en effet, l’aménagement urbain de ces dernières années s’est dirigé vers une réduction drastique de la circulation automobile, notamment avec la mise en place du fameux tramway “sans fil”.  Le tramway de Bordeaux, qui l’année prochaine fêtera ses quinze années d’existence a de plus été le premier à fonctionner grâce à un système d’alimentation par le sol (APS). Apparaissant donc sans câbles aériens au cœur du quartier historique, Bordeaux entendait préserver son patrimoine architectural exceptionnel.

tramway de Bordeaux

Le fameux tramway “sans fil” de Bordeaux © 20minutes.fr

 

Par ailleurs, les rédacteurs du Lonely Planet ont tenu à souligner que les avenues et les places ont été “rendues aux piétons”. Et dans cette perspective, il va sans dire que l’important programme de rénovation des quais fut pleinement remarqué pour cette ville au passé portuaire et industriel indéniable. A cela se rajoute l’éclaircissement radical de la ville.

En 1997, le conseil municipal votait en effet l’obligation pour les propriétaires bordelais, de réaliser le ravalement de leurs façades tous les dix ans. Ainsi, de 1997 à 2000, 244 façades furent rénovées, de 2001 à 2005, il s’agissait de 260 immeubles tandis que de 2005 à 2009, 296 ont été passés à la lessive. Pour la période 2011-2014, les objectifs étaient alors de 245 bâtiments.

Au total c’est donc plus d’un millier d’immeubles qui sont passés à la lessiveuse. Pour la plupart construits avec une pierre de Stampien, les façades des bâtiments étaient en effet devenues complètement noires à cause de la pollution atmosphérique urbaine bordelaise. Car même si la pierre utilisée pour la construction de ce remarquable patrimoine architectural, avait l’avantage d’être facile à tailler et à sculpter, sa belle couleur crème vieillissait assez mal.

 

Se réinventer “en open-data” au profit d’une plus grande appropriation territoriale

Ce qui n’est plus le cas de Bordeaux ! Car au delà de cette transformation radicale du paysage urbain, la mise en place de l’open data, en 2012, a donné un nouveau coup de fouet à celle que l’on appelait Burdigala au IVe siècle de notre ère. Pour en savoir plus sur les liens entre ce renouveau de Bordeaux et la mise en place de l’open data, nous avons interrogé Yann Mareschal, chargée de portefeuille projets innovants à la Direction de l’Innovation et de l’Aménagement Numérique de Bordeaux Métropole.

« L’open data est une brique indispensable pour permettre au grand public de s’approprier son territoire, de participer aux décisions publiques, de contribuer à la dynamique d’ouverture et d’innovation. La donnée est une matière première, reste à s’organiser pour l’incorporer dans les outils quotidiens de nos habitants. »

Et pour cela, différents services se sont créés ces dernières années dans la capitale girondine. Parmi les nombreuses start-up qui se sont créées grâce à l’open data bordelais, certaines sont déjà bien remarquables. Parmi elles, Qucit, start-up purement bordelaise, qui mathématise littéralement la ville. L’idée des fondateurs : prédire les comportements des riverains à partir des données publiques. Ainsi, ils ont réussi à mettre au point BikePredict, une application qui vous permet de savoir en temps réel et jusque dans les 45 minutes, si vous allez pouvoir trouver un vélo à votre station habituelle ou même s’il y aura assez de place pour déposer celui que vous avez emprunté.

Ma ville 2.0 s’est également installée à Bordeaux depuis l’ouverture des données de la métropole. Cette application fournit à ses utilisateurs de nombreuses informations pratiques censés les aider à mieux appréhender leur ville. Ainsi, en se connectant à l’application, il est possible de visualiser sur une carte de l’agglomération de nombreux points d’intérêts non disponibles sur Google Map. Au delà des musées ou des pharmacies, on y retrouve aussi les centres aérés, les bacs à verre parkings relais et bien d’autres points utiles au quotidien pour les habitants.

carte interactive

Géolocalisation des Aires de jeux de Bordeaux © Open Data Bordeaux

Déjà présents dans de nombreuses villes, comme Paris, Lille, ou Marseille, les fondateurs de l’application Jaidemaville ont également décidé de se développer à Bordeaux. Leur concept ? Donner la possibilité à n’importe quel habitant de pouvoir signaler un élément « anormal » sur la chaussée ou plus généralement dans l’espace public. Un banc endommagé ? Une chaussée déformée ? Une branche d’arbre cassé ? L’application vous permet de demander une intervention des services de la mairie. Il est même possible de suivre en temps réel l’état de résolution du signalement.

Selon Yann Mareschal, la plateforme « nous sert à apporter de l’information aux habitants via l’application mobile « Bordeaux en poche » et ainsi accéder aux informations sur les budgets, les horaires, les points d’intérêt du territoire, à développer des services à valeur ajoutée comme les nombreuses applications ou sites reposent sur l’open data. »

En résumé, l’open data est aujourd’hui utilisée à Bordeaux dans l’optique d’une plus grande appropriation du territoire par ses habitants. De nombreuses autres applications se sont développées dans cet esprit. Et sur Bordeaux en poche vous pouvez retrouver, l’application développée par la ville, toutes ces applications qui sont répertoriées en fonction des besoins ponctuels des habitants et des touristes. Pour exemple, Bordeaux, ma Ville accessible, permet de connaître les lieux adaptés aux personnes en situation de handicap. Easy Park vous permet de connaître les lieux de stationnement payants et de régler directement avec votre application. Avec Toilettes à Bordeaux, il est possible de retrouver les toilettes les plus proches en fonction de la géolocalisation. Vous avez envie de nature ? Allez faire un tour sur Arbres Bordeaux !

Enfin, au travers de cette volonté d’appropriation du territoire, les touristes sont également visés puisque l’Office du Tourisme a mis au point Monument Tracker, qui permet aux visiteurs d’être alertés directement sur leur mobile, quant aux sites, monuments et autres centres d’intérêt qui se trouvent à proximité.

Pour autant, comme le dit Yann Mareschal, « Le grand public n’est pas vraiment un « client » direct de l’open data. La matière est trop brute et ils n’ont pas forcément un intérêt à télécharger des bases de données. » En revanche, l’on voit bien se dessiner une volonté d’user de moyens modernes pour permettre une appropriation plus grande de l’espace urbain et donc forcément renforcer l’attachement des bordelais à leur ville. « Il est certain cependant que l’ouverture des données contribue à améliorer le cadre de vie de nos habitants. » Au moment où le Lonely Planet louait la capacité qu’a eu Bordeaux de “se réinventer”, peut-être n’avaient-ils pas conscience de ces “données”, mais ce qui est sûr, c’est que cette réinvention bordelaise est aussi passée par un déploiement d’outils modernes et intelligents. Tout dépend ensuite des objectifs que l’on donne à ces outils. Pour ce qui est de Bordeaux, l’appropriation territoriale en est une et c’est tout à son honneur.

LDV Studio Urbain
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