Approches participatives
Un développement de la ville cohérent implique pour chaque citadin d’être un spectateur attentif mais aussi de se mobiliser comme acteur à l’échelle du quartier. Les approches bottom-up et participatives peuvent conduire à une lecture plus souple et pertinente d’un territoire urbain, des risques – démontrés ou seulement perçus comme menaçants et des réponses qu’il est possible d’apporter en conséquence. En cas de catastrophe, chacun doit retrouver en soi l’énergie de réengager le dialogue de façon informelle et de monter des projets.
Surmonter les handicaps, Loos-en-Gohelle
Après un siècle d’exploitation intensive du charbon et deux guerres mondiales, Loos-en-Gohelle, ancienne ville minière du Pas-de-Calais (nouvelle région Hauts-de-France), cumulait les handicaps : un fort taux de chômage, un territoire très pollué et des paysages détruits. Pour renaître, en 20 ans, une petite révolution s’y est opérée sous l’impulsion de Jean-François Caron, maire écologiste élu en 2001 à la suite de son père. La petite ville de 6 800 habitants s’est très vite mobilisée en faveur de la transition écologique et sociale, futur étendard de l’action régionale baptisée Troisième Révolution industrielle, lancée en 2013.
Le maire a favorisé l’éclosion d’une pépinière d’entreprises dynamiques dans ce domaine. Les terrils de la commune, comme l’ensemble du Bassin minier, ont fait l’objet d’une inscription au patrimoine mondial de l’Unesco en 2012, après être devenus des lieux de promenades appréciés où la faune et la flore se développent. Les habitants ont désormais le souci d’économiser l’eau et l’énergie : l’eau de pluie est récupérée pour les sanitaires et l’arrosage, le toit de l’église produit de l’électricité, les corons font l’objet de travaux d’isolation. Une école spécialisée dans l’écoconstruction et l’écorénovation offre des perspectives d’emplois dans la région. Les agriculteurs s’entraident pour passer progressivement à une agriculture biologique. L’organisation d’actions collectives, comme les jardinières installées dans le centre-ville, amène les habitants à se rencontrer.
Entre 2010 et 2011, la rédaction du plan local d’urbanisme a ainsi bénéficié d’ateliers de réflexion par quartier, mobilisant 150 habitants tirés au sort. Un vrai défi pour cette ville construite selon la volonté des compagnies minières. Malgré des moyens de plus en plus limités, des démarches architecturales peuvent aussi trouver dans le terreau collaboratif l’initiateur d’une amélioration du cadre de vie. C’est l’enjeu du futur écoquartier Ouest.
Havre d’espoir face au désarroi, Japon
Après le tsunami de mars 2011 au Japon, un collectif d’architectes japonais animé par Toyo Ito – prix Pritzker 2013 – propose de construire dans les villes dévastées un petit centre communautaire où les habitants pourront se retrouver de façon informelle. La plus singulière de ces « maisons pour tous » financées par des dons est située à Rikuzentakata, ville connue pour sa forêt de résineux dont il ne reste plus rien.
Toyo Ito s’est associé avec trois jeunes architectes Sou Fujimoto, Kumiko Inui et Akihisa Hirata dans ce projet figurant une maison traditionnelle incrustée dans un bosquet de 19 troncs, récupérés dans la forêt détruite. Une habitante bénévole qui a ouvert depuis la catastrophe une grande tente à tous ceux qui souhaitent se réunir a proposé de participer au nom de la communauté locale à l’élaboration du projet avec un natif de la ville. Un emplacement est choisi dans la pente en lisière de forêt, face à la ville disparue.
Les deux mandataires veulent aussi travailler avec le trio d’architectes sur les plans du bâtiment. Leur idée est de trouver un agencement spatial et une symbolique en mesure d’aider à faire renaître, entre les survivants qui s’y croisent, le phénomène d’entraide et de solidarité qu’ils ont pu vivre brièvement juste après la catastrophe. Souvent observé, ce moment de grâce est précieux pour la résilience de la communauté. C’est dans cet esprit que la maison pour tous est conçue en six mois, construite en cinq et, depuis son ouverture, attend d’évoluer au gré des initiatives des utilisateurs qui souhaiteraient l’améliorer.
L’ajout d’un auvent léger de protection pour l’entreposage du bois de chauffage en témoigne. De la part d’habitants relogés en cité d’urgence pour des années, toute démarche d’appropriation concrète d’un lieu collectif, aussi modeste soit-il, présage de leur capacité à réinvestir leur énergie dans la future ville reconstruite, désormais à l’abri d’une digue de 12 mètres de haut.
Frédéric Mialet, architecte et commissaire de l’exposition Réver(cités), et Eve Jouannais, journaliste.
Eléments initialement présentés dans l’exposition « Réver(cités), villes recyclables et résilientes » à la Cité de l’architecture & du patrimoine, du 12 octobre au 4 décembre. Plus d’informations dans la visite virtuelle de l’exposition.